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Radioactivité : introduction à la spectroscopie gamma amateur

En matière de détection de la radioactivité, le compteur geiger est l'équipement qui vient tout de suite à l'esprit. Or ce type de détecteur s'il est adapté à la simple détection ne permet pas de déterminer à quel élément radioactif on a affaire : impossible par exemple de savoir si les particules détectées sont émises par de l'uranium, du thorium, du cesium 137... L'appareil qui va permettre de caractériser les isotopes est un spectromètre gamma.

Les appareils professionnels de spectrométrie gamma coutent horriblement cher, et jusque ici même les appareils amateurs représentaient un investissement conséquent. Heureusement un japonais, M. Ohisa, a démocratisé un peu plus ce type de matériel avec des détecteurs autour de 160 euros port inclus, dénommés "Armadillo". Si ces détecteurs ne peuvent évidemment pas rivaliser avec du matériel plus cher, ils permettent néanmoins de caractériser des isotopes et de détecter des contaminations. Ils sont d'ailleurs utilisés par des amateurs au Japon pour détecter des contaminations au Cesium 137 dans l'environnement.

Mon détecteur Armadillo, modèle 1-d (avec sortie audio digitale en USB) :

Détecteur spectrométrie gamma Armadillo 1-d

Principe de fonctionnement

Le détecteur contient un cristal d'un centimètre cube d'iodure de cesium (CsI) qui a la propriété d'émettre des flashs lumineux lorsqu'il interagit avec des particules gamma. L'intensité de ces flash est proportionnelle à l'énergie des particules qui traversent le cristal. Ces flash sont ensuite amplifiés par un dispositif électronique interne au détecteur et convertis en un signal audio envoyé au PC via USB. L'analyse de ce signal audio par un logiciel de spectrométrie tel que Theremino MCA permet de tracer une courbe de distribution des différentes énergies émises par un échantillon : le spectre.

Ma configuration pour la spectrometrie : détecteur Armadillo, château de plomb, logiciel Theremino MCA

La spectrométrie gamma tire profit du fait que chaque radioélément a sa propre signature en énergie. Par exemple le cesium 137 émet des pics d'énergie à 32 keV et 662 keV, tandis que le radium 226 et ses descendants émettent des pics à 186, 242, 295, 352 et 609 keV. En regardant les pics d'énergie présents dans le spectre d'un échantillon on peut donc déterminer les radioéléments qu'il contient. Exemple de spectres pour différents radioéléments : americium 241 (en rouge), cesium 137 (en bleu), radium (en jaune), la courbe grise correspondant au bruit de fond :

spectrometrie-spectres.jpg

En pratique

Démonstration en vidéo d'une mesure avec le détecteur Armadillo couplé au logiciel Theremino MCA :

Si le principe de la spectrométrie gamma est simple, la pratique nécessite quand même d'acquérir un certain nombre de connaissances et savoirs-faire. Il faudra apprendre notamment apprendre à calibrer et optimiser son système, se familiariser avec les spectres les plus caractéristiques, acquérir quelques notions de physique nucléaire et se montrer patient : dans le domaine des faibles activités, même si on peut avoir les premiers résultats en quelques minutes, un beau spectre nécessite souvent une mesure sur plusieurs heures, voire plusieurs jours !

Radioactivité, compteurs geiger : quelques conseils

M'intéressant au sujet de la radioactivité, je constate que pas mal d'idées fausses circulent sur la radioactivité et les différents type des détecteurs. A chaque événement nucléaire, significatif ou mineur, un certain nombre de personnes cherchent à s'équiper tout en n'ayant pas le bagage nécessaire pour faire les bons choix. Je vous propose donc de faire le tour d'un certain nombre de questions sous la forme d'une FAQ. J'essaierai de mettre à jour cette FAQ au gré des commentaires, donc n'hésitez pas à poser des questions.

Un compteur Geiger permet-il de déceler si des aliments sont radioactifs ?

Non dans la plupart des cas. Un compteur Geiger pourrait être capable de détecter une contamination très importante du type de celle rencontrée à proximité d'un site nucléaire ayant fuité / explosé. Mais ce type d'appareil est incapable de détecter la présence de radionucléides à l'état de traces comme celle éventuellement présente dans des aliments importés du japon. L'appareil à utiliser pour ce type d'analyse est un spectromètre gamma. Les spectromètres gamma coûtent cher et surtout nécessitent de solides connaissances techniques. Il est à noter également que certains aliments sont naturellement radioactifs, sans que cela pose un problème de santé. C'est le cas par exemple des aliments riches en potassium comme le sel de régime : une bonne partie du potassium présent sur terre est du potassium 40 (K40) qui est un isotope radioactif. Un compteur Geiger sensible est capable de détecter la radioactivité du sel de régime. Détecter une radioactivité supérieure au bruit de fond n'est donc pas obligatoirement synonyme de danger.

Un compteur geiger permet-il de détecter le radon ?

Non car l'activité volumique du radon est trop faible, et aussi parce que la plupart des compteurs geiger ne détectent que les rayons beta et gamma. Pour détecter le radon il faut utiliser des détecteurs électroniques spécialisés comme le Canary de chez Corentium, ou des détecteurs à charbon actif qui devront être laissés en place 2 à 3 mois et envoyés à un laboratoire.

Mon compteur Geiger détecte de la radioactivité ! L'environnement est donc bien contaminé non ?

Probablement non. En l'absence de toute radioactivité un compteur Geiger générera toujours quelques fausses détections, typiquement 1 ou 2 par minute, cela est normal. Mais surtout il existe une radioactivité naturelle, venant du ciel (rayons cosmiques) et du sol, qui contient du potassium, de l'uranium, du thorium etc. C'est cette radioactivité, inoffensive, que votre compteur détecte. On la désigne sous le terme de bruit de fond. Chez moi par exemple avec mon compteur elle varie entre 15 et 30 CPM (coups par minute).

Il vient de pleuvoir et la radioactivité a augmenté, c'est bien le signe de retombées non ?

Très probablement non. En fait la pluie lave l'atmosphère de son radon (un gaz naturellement radioactif) et les descendants radioactifs du radon se retrouvent concentrés là où tombe la pluie : sur votre voiture, autour de votre gouttière etc. C'est un phénomène normal.

Si vous êtes curieux, vous pouvez d'ailleurs vous amuser à piéger vous-même le radon à l'aide d'un simple ballon de baudruche :

Mon compteur affiche x uSv/h, bien au delà des normes ! Il y a danger non ?

Pas forcément. En réalité un compteur Geiger est incapable de mesurer des sieverts, qui est une unité de dangerosité biologique. Tout au plus permet-il de les estimer pour un isotope donné (celui pour lequel il a été calibré, typiquement du Cesium 137). La dangerosité des rayonnement dépend de leur énergie. Or un compteur Geiger ne sait pas mesurer les énergies. Il ne sait compter que le nombre de particules détectées. C'est pourquoi le nombre de sieverts affiché par un compteur Geiger sera très souvent surévalué ou sous-évalué lorsque on mesure un isotope autre que celui pour lequel il a été étalonné. De plus la réponses des tubes Geiger-Müller n'est pas linéaire : ils détectent plus ou moins bien certaines énergies. Si le tube Geiger-Müller n'est pas compensé en énergie (comme 99% des compteurs grand public, à l'exception de certains modèles comme le Terra-P de chez Ecostest) cela fausse d'autant plus le calcul des sieverts. Enfin, l'étalonnage se fait typiquement sur le seul rayonnement gamma. Si vous approchez trop le compteur de la source radioactive vous compterez également les rayons beta ce qui faussera la mesure.

Bref, ne croyez pas le nombre de sieverts affiché par un compteur Geiger et préférez les modèles qui affichent des coups par minute (CPM) ou par seconde (CPS). Cela dit pour avoir une idée de la dangerosité des débits de doses en fonction du temps, je vous suggère ce billet.

Comment savoir si mon compteur fonctionne ?

Pour savoir s'il fonctionne, il vous faut une source radioactive. Il faut aussi bien sûr que cette source radioactive soit inoffensive, et légale. La source la plus facilement accessible est le sel de régime, à base de chlorure de potassium, qu'on trouve dans tous les supermarchés. Son activité est cependant faible et seuls les compteurs les plus sensibles réagiront à son contact.

Une autre source radioactive facilement trouvable et inoffensive est l'ouraline, ou verre à l'uranium. Son activité est plus importante que le potassium 40, c'est pourquoi elle est plus intéressante de mon point de vue (en plus l'ouraline est très décorative). Le fait que l'uranium soit enfermé dans le verre élimine toute possibilité de contamination, c'est donc une source sûre. On trouve des objets en ouraline tels que des boutons ou des bijoux pour une poignée d'euros sur Ebay, en cherchant "vaseline glass" ou "uranium glass", notamment en provenance de République Tchèque.

Une fois que vous avez une source, si le nombre de détections de votre compteur augmente quand vous approchez la source de celui-ci, c'est qu'il fonctionne. Attention la distance typique de détection pour un objet faiblement radioactif est de quelques dizaines de centimètres maximum.

Les compteur Geiger de la défense civile sont-ils intéressants ?

On trouve beaucoup de compteurs datant de la guerre froide sur Ebay. Le problème est que la majorité d'entre eux ont été conçus pour des niveaux de radiations énormes, du type de ceux qu'on observerait après un conflit nucléaire. Ils sont donc très peu sensibles. La seule exception est le compteur CDV-700, qui possède une bonne sensibilité, comparable aux compteurs grand public modernes. Mais il s'agit d'appareils très anciens, et des réparations sont souvent à prévoir. Je conseille donc plutôt de s’équiper avec des appareils modernes.

Quel compteur Geiger acheter ?

Il existe quantité de modèles sur le marché du neuf, et encore plus sur le marché de l'occasion. Parmi les modèles neufs, mon choix se porterait vers ces détecteurs, qui sont des valeurs sûres et affichent des mesures en CPM : GQ GMC-300 (le moins cher, de cette sélection, que je possède et qui présente AMHA le meilleur rapport qualité prix en entrée de gamme), Radalert 100 ou Rad 100 de chez Medcom (qui détectent en plus les alpha), PRM-8000 et PRM-9000 de chez Mazur Instruments (qui détectent les alpha également). Si je devais opter pour un compteur estimant des doses et débits de dose, j'opterais pour le modèle Terra-P qui donne une meilleure estimation que la plupart des compteurs grand public. Cela dit il surestime l'équivalent de dose de 40% à 55%.

Radioactivité : les montres au tritium sont-elles dangereuses ?

La question de la dangerosité des montres au tritium revient fréquemment sur les forums. Hélas, si les réponses données sont souvent justes (les montres au tritium ne sont pas dangereuses) elles sont en général peu argumentées.

Que dit la science ? Le tritium est un radioélément dont la demi-vie est de 12.5 années, et qui se desintègre en émettant des rayonnement beta dont l'énergie moyenne et de 5.7keV. A ce niveau d'énergie aucun risque d'exposition externe, car les rayons beta ne traverseront ni le verre de la montre, ni le boitier, qu'il soit en métal ou en plastique. Démonstration en video (vers 11:50) :

Qu'en est-il de l'exposition interne ? La plupart des montres utilisant du tritium contiennent une activité maximale de 25 millicuries de cet élément d'où l'affichage "T25" parfois visible sur ces montres (Des montres à 100 millicuries existent également, affichant un "T100"). Cette activité convertie en bequerels nous donne une activité de 925000000 Bq (1 Ci = 37000000000 Bq).

Supposons maintenant qu'un utilisateur casse tous les tubes de sa montre (peu probable) et inhale l'intégralité du tritium qu'elle contenait (encore moins probable). La littérature scientifique (PDF, p78) nous dit que la dose par unité incorporée (DPUI) du tritium sous forme gazeuse est de 1.8E-15 Sv/Bq. Le nombre de sieverts effectifs reçu par la personne serait donc de 925000000*(1.8*10^-15)=0.000001665 Sv soit 1.665 uSv.

Selon l'IRSN, la dose moyenne que reçoit un français chaque année est de 3.7 mSv, soit 10.14 uSv chaque jour. La dose maximale reçue suite à l’inhalation du tritium de la montre serait donc l'équivalent de 4 heures d'exposition moyenne, c'est à dire rien du tout. A titre de comparaison la dose reçue lors d'un vol Paris-New York est de 80 uSv.

Que faire si vous cassez les tubes au tritium de votre montre ? En extérieur, rien du tout, car le tritium étant un gaz similaire à l'hydrogène il part aussitôt en altitude. En intérieur, aérez simplement la pièce 30 min par précaution afin que le tritium ne se mèle pas à de l'eau condensée, l'eau tritiée étant davantage absorbable par le corps que le tritium gazeux.

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