Urbex radiologique : visite de la zone d'exclusion de Chernobyl
Par Sébastien Billard le samedi 26 novembre 2016 18:20 - Radioactivité
Le 26 avril 1986, le reacteur 4 de la centrale nucléaire de Chernobyl explosait, relâchant une quantité astronomique de radionucléides dans l'atmosphère. Trente ans plus tard, une zone d'exclusion de 30km entoure toujours la centrale, car la contamination y est par endroit encore très importante, et parce que nombre de véhicules et objets contaminés s'y trouvent qu'on ne souhaite pas voir disséminés. Depuis quelques années, il est possible de visiter la zone en passant par des agences agréées qui se chargeront d'obtenir pour vous les autorisations nécessaires. C'est pourquoi nous avons pu passer à la mi-novembre deux jours dans la zone d'exclusion, avec une nuit dans la ville de Chernobyl City. Merci à qui se reconnaîtra pour ce superbe cadeau ;)
Le départ des excursions se fait en général à partir de la gare de Kiev, le voyage se faisant en mini-bus. Je tiens à saluer l'extrême disponibilité de notre guide Alexandre durant ces deux jours qui en plus de nous délivrer quantité d'informations a tout fait pour nous faciliter la vie au quotidien. Le voyage dure près de 2 heures car les routes sont plutôt rustiques. Il est intéressant de noter qu'à Kiev, qui est située à un peu moins de 100 km de Chernobyl, la radioactivité ambiante de notre chambre d'hôtel était de 0.13 µSv/h, un débit de dose inférieur à celui de notre domicile en métropole lilloise. Comme quoi vivre à 100 km du plus grave accident nucléaire de l'histoire ne rime pas forcément avec désolation.
La radioactivité (en tout cas celle des routes asphaltées) n'augmente que très lentement en approchant de la zone. Ce n'est qu'à 6 km du réacteur seulement que le bruit de fond commence à augmenter sensiblement (45-50 CPM) par rapport au bruit de fond observé à Kiev (27 CPM). A 3.5 km du réacteur, toujours sur la route, on observe des pointes à 330 CPM. A l'hôtel Desyatka, situé à 15 km au sud-est du réacteur 4, le bruit de fond est de seulement 27 CPM, le même que chez nous en France. C'est assez étonnant et montre à quel point la contamination est hétérogène (et aussi probablement que la décontamination a été efficace).
A quoi ressemble la zone ? Au jeu vidéo Stalker, les mutants, les artefacts et les différentes factions en moins :) Le paysage est constitué de forêts, de landes, de marécages, de lacs, de rivières et de tourbières, parsemé de villages à l'abandon et d'installations industrielles rouillées. La ville de Prypiat présente un visage évidemment plus urbain, même si la nature reprend le dessus. La plupart des bâtiments ont hélas été pillés par les voleurs de métaux, mais il reste énormément de choses à voir et la visite des bâtiments est un véritable voyage dans l'époque soviétique. Marcher dans une école sur des livres disséminés fait mal au coeur, on aimerait faire de ces endroits des sanctuaires, mais vu que la zone n'est à la base pas faite pour être visitée, personne ne fait rien...
La nature est florissante. Nous n'avons observé en guise d'animaux sauvage que des oiseaux, une petite souris et un sanglier élevé par un local, mais la zone est connue pour abriter également des loups, des ours, des chevaux sauvages, des castors... Il est d'ailleurs fréquent de trouver des ossements dans la zone. De nombreux chiens à moitié sauvages mais pas farouches sont également présents, mendiant de la nourriture aux humains de passage.
Coté radiations, les niveaux varient énormément d'un endroit à un autre. Beaucoup d'endroits dans la zone affichent une radioactivité comparable au bruit de fond naturel que l'on trouve en France. La radioactivité à l'intérieur des bâtiments en particulier est très faible, même dans la ville de Pripyat (sauf dans certains bâtiment "sensibles" où je conseille de ne pas mettre les pieds sans équipement spécialisé et un minimum de connaissances, comme l'hopital où ont été amenés les pompiers qui sont intervenus sur la centrale). Le débit de dose maximum que j'ai relevé a été de 4.03 µSv/h à 300 m du réacteur 4 (2540 CPM). Dans le camp des pionniers 1.20µSv/h (550 CPM). Dans le village abandonné de Kopachi, à 7 km du réacteur, 2.11 µSv/h (690 CPM). Près de la grande roue de Pripyat 0.9 µSv/h. Au total mon dosimètre DMC-90 a enregistré lors de ces 2 jours une dose cumulée de 0.005 mSv. Arrondissons cette dose à 0.006 mSv par principe de précaution. Si j'étais resté dans ma maison en France, légèrement plus radioactive que l'extérieure car construite en brique, j'aurais reçu du fait de la radioactivité naturelle durant la même période 0.004 mSv. La dose de radioactivité additionnelle reçue lors de cette excursion de deux jours à Chernobyl est donc de 0.006-0.004=0.002 mSv, ce qui est extrêmement faible. A titre de comparaison, pour atteindre le maximum légal annuel de 1 mSv pour le grand public en France, il faudrait faire 500 fois la même excursion dans l'année ce qui est impossible. Prendre l'avion de Paris à Kiev est bien plus irradiant : l'outil sievert-PN de l'IRSN prévoit une dose de 0.0138 mSv rien que pour l'aller, ce qui est 7 fois plus que la dose additionnelle de 0.002 mSv reçue en deux jours à Chernobyl !
Place aux images maintenant ! Les tours de refroidissement inachevées, derrière la centrale :
Le réacteur 4, le nouveau sarcophage et ses environs :
La ville de Chernobyl-city, ou vivent une partie des travailleurs de la zone et où sont situés les hôtels :
La radar trans-horizon top-secret russe Duga-3 :
La ville de Pripyat :
Divers photos de la zone d'exclusion :
Note : les valeurs de débits de doses mentionnées dans cet articles sont celles affichée par mon compteur geiger Terra-P. S'agissant d'un appareil calibré pour la mesure d'ambiance et non pour la dosimétrie personnelle, les mesures sont typiquement surévaluées de 40%. Il faut donc retirer 28.5% à la valeur affichée par l'appareil pour avoir une estimation plus correcte de la dose reçue pour le corps entier. Un affichage de 4.03 µSv/h près du réacteur 4 correspond donc plus à un débit de dose de 2.88 µSv/h.
Commentaires
superbe compte rendu, j’espère que tu l'étofferas encore avec d'autres anecdotes et photos (Si tu as le temps d'ajouter une petite légende/nom du lieu sous chaque photos ça serait génial).
J'apprécie que tu parles de respect pour ceux qui y ont laissé leurs vies, on parle de ce lieu en oubliant trop souvent les gens qui se sont "sacrifiés" pour les générations futurs.
J’espère avoir l'occasion de faire cette visite dans les années à venir.
Sebastien an excellent article with thoughtful measurements included to give a comparison.
May I suggest those who need translation- google chrome will translate.
Vraiment un bel article. Merci.
Félicitations et merci pour ce magnifique compte-rendu, Sébastien !
Les mesures que tu as faites sur les niveaux de radioactivité là-bas sont aussi très édifiantes et intéressantes !
Article intéressant, on s'imagine ça beaucoup plus dangereux, mais avec les données, on voit que c'est très variable selon les endroits
Merci à tous pour les commentaires, je vais essayer de rajouter des photos et d'étoffer l'article :)
La visite touristique, moyennant le respect des régles de sécurité n'est effectivement pas dangereuse. Après il reste dans la zone de nombreux endroits bien plus contaminés / irradiants où il ne fait pas bon mettre les pieds, comme la fameuse forêt rouge, le sous-sol de l'hôpital et les cimetières de véhicules.
Excellent!
Excellent, Seb !
Merci pour les nouvelles photos, et aussi pour le petit commentaire explicatif de chaque série de photos !
salut super ton article enrichissant en plus : continue sur le sujet de la radioactivité j'aime ça ;)
ca c'est le genre de voyage que j'aimerais faire :)
et ton rapport sur les doses est très intéressant, beaucoup moins dangereux qu'on l'imagine :o enfin tant qu'on suit le guide ;)
en tout cas quand on voit comment tout a été dépouillé, on se dit que la radioactivité ne fais pas peur à certains :p
petite larme au toutou abandonné sur place, quand j'irais j'aurais les poches pleines de croquettes ;)
Très intéressant, même si ca fait un peu peur au niveau des possibles contaminations ou émanations.
Bonjour Sebastien,
Super article ! Merci pour toutes vos photos et explications.
Nous souhaitons nous y rendre avec mon ami en décembre, avez-vous gardé les coordonnées de votre guide ou celle de l'agence qui organise ces jours ?
Merci pour votre retour, bien à vous, Amandine
Bonjour Amandine,
Notre guide était Olexandr Panaiotov. Je vous le recommande chaudement, car il connait très bien la zone, est sérieux, serviable, veillera à votre sécurité et parle français et anglais. A l'époque il travaillait avec l'agence Chernobyl Welcome mais a depuis fondé sa société, je vous donne le lien : https://chernobylvisit.com
N'y a-t-il pas que 2 Duga ?
DUGA-1 près de Tchernobyl
&
Duga-2 près de la mer d'Okhotsk
BTW sympa l'article :)
je comprend pas pourquoi s'inquieter car on fait bien de la medecine nucleaire et jen passe! et c'est bien pire!donc aller la bas ca doit pass etre dangereux hein!