Le Sievert, qui mesure la dangerosité biologique des rayonnements ionisants, est une unité peu intuitive. Afin de bien appréhender le danger réel (ou l'absence de danger) d'un niveau de radioactivité supérieur au bruit de fond naturel, j'ai calculé le temps d'exposition nécessaire pour atteindre différents seuils de dose en fonction du débit de dose ambiant. Voici les résultats au format PDF.

Le seuil de 1 mSv correspond à la limite légale annuelle admissible pour le grand public en France. Il ne s'agit pas d'un seuil de dangerosité, mais du seuil en dessous duquel aucune action particulière de protection n'est nécessaire. Ce n'est qu'à partir de 10 mSv qu'une mise à l'abri des populations est préconisée.

Le seuil de 20 mSv correspond à la limite légale annuelle pour les travailleurs du nucléaire. Il ne s'agit pas non plus d'un seuil de dangerosité. Mais cette population faisant l'objet d'un suivi individuel, la tolérance est plus grande.

Le seuil de 100 mSv correspond à la limite pour laquelle on a pu observer une hausse statistiquement significative du risque de cancer. Des cancers radio-induits peuvent survenir en dessous de ce seuil, mais le risque est tellement petit qu'on a jamais réussi à le mettre en évidence jusque ici.

Le seuil de 500 mSv correspond à la limité à partir de laquelle on commence à observer des effets déterministes immédiats, comme une modification temporaire de la formule sanguine.

Le seuil de 5 Sv (5000 mSv) correspond lui à la DL50, c'est-à-dire la dose pour laquelle on observera le décès de la moitié des personnes irradiées.

Tous ces seuils sont valable uniquement pour des expositions externes et aiguës, c'est à dire reçues sur une courte période : de quelques fractions de secondes à quelques mois, éventuellement une année, mais pas plus car pour une même dose le risque décroit avec le temps d'exposition. 100 mSv reçus en une fois sont bien plus dangereux que 100 mSv reçus de façon étalée sur plusieurs années. Pour rappel chaque français reçoit en moyenne 4.5 mSv par an toutes sources confondues.

Une autre précision à apporter, spécialement pour les très faibles débits de dose, est que ces seuils excluent la radioactivité naturelle et celle consécutives aux irradiations médicales.

Enfin, ces chiffres ne sont valables que pour des débits de dose corps entier. La dose affichée par un compteur geiger ou un dosimètre au contact d'un objet de petites dimensions surestime grandement la dose corps entier. Si on souhaite avoir une meilleure idée de débit de dose d'un tel objet, il est conseillé de procéder à une mesure à 30 cm de distance. Le débit de dose affiché sera alors plus proche de la réalité (en supposant que le compteur soit étalonné pour le radioélement mesuré ou qu'il soit compensé en énergie).

Comment utiliser ce tableau ? Supposons que vous vous rendiez en Ukraine à 300m du reacteur de accidenté de Chernobyl et que vous mesuriez un débit de dose de 4 µSv/h. Pour atteindre le maximum légal français admissible pour le grand public, il faudrait que vous restiez sur place sans bouger 10 jours et 10 heures. Pour atteindre les 20 mSv autorisés pour les travailleurs du nucléaire il faudrait rester au même endroit 208 jours et 8 heures, soit pas loin de 7 mois ! Et nous sommes là encore en dessous du seuil pour lequel on n'a à ce jour pas réussi à prouver un excès de risque (même si le principe de précaution implique de considérer que le risque suit une loi de relation linéaire sans seuil). Ce tableau permet donc de mettre les choses en perspective.