En mai dernier je vous présentais le détecteur Rium de la société française Icohup. Cet appareil à scintillation permettait à la fois des détecter la radioactivité d'un lieu ou d'un objet, et de déterminer la nature des radionucléides en présence. Le détecteur que je vais vous présenter aujourd'hui, le RiumGM, fonctionne lui sur la base d'un tube Geiger-Müller (d'où le suffixe "GM") et n'a vocation qu'à estimer des débits de dose. Ce détecteur a été développé en partenariat avec l'IRSN dans le cadre du projet collaboratif OpenRadiation qui inclue également l’Institut Français des Formateurs aux Risques Majeurs et à l’Environnement (IFFO-RME), l'association Planète Sciences et le FabLab de Sorbonne Universités.

Compteur geiger RiumGM

Le Rium GM se présente comme un cylindre de 13cm de long et s'utilise connecté à un appareil Android, comme un smartphone ou une tablette. Il s'agit donc d'une sonde. La connexion se fait par un câble USB. L'exploitation de l'appareil peut se faire soit via l'application RiumGM, soit via l'application OpenRadiation, publiée par l'IRSN. Une diode LED sur la sonde émet un flash lumineux pour chaque particule détectée. Le tube Geiger-Müller qui équipe le détecteur est un J306 de fabrication chinoise. Le RiumGM est compensé en énergie. Ce détail a toute son importance pour la fiabilité des mesures d'ambiance. En effet, les tubes Geiger-Müller ont une sensibilité qui varie en fonction de l'énergie des rayons gamma. Cela signifie que pour un même fluence (un même nombre de particules traversant le détecteur en un temps donné), le nombre de détections variera en fonction de l'énergie des rayons gamma émis par les radionucléides. Si l'estimation du débit de dose est basée sur le nombre de détections, cela faussera alors le nombre de µSv/h affichés par l'appareil quand les énergies émises sont différentes de celles pour lesquelles le compteur a été calibré (le plus souvent le Cesium 137 à 662 keV).

D'une façon générale Les tubes Geiger-Müller ont une sensibilité bien plus importante dans les basses énergies (inférieures à 100 keV). Cela est bien visible sur la courbe de réponse du tube LND712 qui équipe le Monitor 200 de chez SEintl (j'ai choisi cette courbe car je n'ai pas celle du J306) :

Courbe de réponse typique d'un compteur geiger

L'axe horizontal représente les énergies des photon gamma en keV. L'axe vertical représente le taux de comptage relatif, c'est à dire le nombre de détections. On voit que dans la zone verte, de 200 keV à 1500 keV environ, la courbe est relativement plate. Cela signifie que le nombre de détections varie très peu en fonction de l'énergie. Par contre dans la zone rouge, de 40 keV à 200 keV, la courbe forme un pic qui culmine vers 60 keV. Pour cette énergie, à fluence égale, le nombre de détections pourra être 7 fois supérieur à celui observé pour une énergie de 600 keV. En conséquence les débits de dose affichés par un appareil pourront être surestimés d'un facteur allant jusque à 7 dans les basses énergies.

Les concepteurs du Rium ont réglé ce problème en dotant leur détecteur d'un dispositif de compensation en énergie. Concrètement il s'agit d'habiller le tube avec un matériau qui va bloquer une partie des rayons de basse énergie, de façon à obtenir une courbe de réponse la plus plate possible sur l'ensemble du spectre. Ce que l'on perd en sensibilité, on le gagne en précision des débits de dose. Dans le RiumGM c'est une fine feuille de plomb qui joue ce rôle. La calibration, si j'en crois les données affichées par mes autres détecteurs professionnels compensés en énergie (Rotem RAM GENE-1 et Polimaster PM1621) est correcte quoique un peu haute avec l'application RiumGM. Les meilleures mesures sont obtenues avec des mesures longues, de l'ordre de la minute.

L'application RiumGM est très simple à utiliser puisque elle se borne à afficher le taux de comptage en CPS (coups par seconde) et le débit de dose en µSv/h. J'aimerais personnellement que des CPM (coups par minute) soit utilisés au lieu des CPS car à bas débit on a souvent un nombre de CPS oscillant entre 0 et 1, ce qui est peu précis.

L'application OpenRadiation offre davantage de possibilités, dont celle de partager des relevés de débit de dose et de cartographier les débits de dose d'un site. Super intéressant quand ont souhaite explorer un site contaminé ou un lieu ayant une activité radiologique. Exemple pour mon quartier (non contaminé) :

Exemple de cartographie du débit de dose d'un quartier de Marcq en Baroeul

Il faut toutefois compter 1 min 30 à 2 min de mesure par relevé, l'application OpenRadiation considérant qu'une mesure est statistiquement fiable à partir de 50 particules détectées.

La calibration est meilleure avec l'application OpenRadiation qu'avec l'application RiumGM dans sa version 1.0.1, avec des valeurs qui sont quasi identiques à celles affichées par mes appareils professionnels. Cela est dû à des facteurs de calibration différents dans les deux applications. La prochaine version de l'application RiumGM devrait régler ce problème, puisque le facteur utilisé sera le même que celui de l'appli OpenRadiation.

Au final, mon impression est que le RiumGM est un appareil de détection très intéressant pour se livrer à des études de sites et à des recherches de contamination. Il devrait se révéler encore plus intéressant lorsque la fonctionnalité d'utilisation comme balise permanente reliée à un PC sera implémentée. Icohup m'a confirmé que ce mode balise figurait bien dans la feuille de route des développements, même si la date de disponibilité n'est pas encore fixée. En tant que simple détecteur, l'appareil fonctionne bien, et c'est à ma connaissance le détecteur compensé en énergie le moins cher du marché. Mais il faut accepter le fait que celui-ci ne soit pas autonome car dépendant d'un appareil sous Android.