Archives par catégorie : Radioactivité

RiumGM : compteur geiger connecté et compensé en énergie

En mai dernier je vous présentais le détecteur Rium de la société française Icohup. Cet appareil à scintillation permettait à la fois des détecter la radioactivité d'un lieu ou d'un objet, et de déterminer la nature des radionucléides en présence. Le détecteur que je vais vous présenter aujourd'hui, le RiumGM, fonctionne lui sur la base d'un tube Geiger-Müller (d'où le suffixe "GM") et n'a vocation qu'à estimer des débits de dose. Ce détecteur a été développé en partenariat avec l'IRSN dans le cadre du projet collaboratif OpenRadiation qui inclue également l’Institut Français des Formateurs aux Risques Majeurs et à l’Environnement (IFFO-RME), l'association Planète Sciences et le FabLab de Sorbonne Universités.

Compteur geiger RiumGM

Le Rium GM se présente comme un cylindre de 13cm de long et s'utilise connecté à un appareil Android, comme un smartphone ou une tablette. Il s'agit donc d'une sonde. La connexion se fait par un câble USB. L'exploitation de l'appareil peut se faire soit via l'application RiumGM, soit via l'application OpenRadiation, publiée par l'IRSN. Une diode LED sur la sonde émet un flash lumineux pour chaque particule détectée. Le tube Geiger-Müller qui équipe le détecteur est un J306 de fabrication chinoise. Le RiumGM est compensé en énergie. Ce détail a toute son importance pour la fiabilité des mesures d'ambiance. En effet, les tubes Geiger-Müller ont une sensibilité qui varie en fonction de l'énergie des rayons gamma. Cela signifie que pour un même fluence (un même nombre de particules traversant le détecteur en un temps donné), le nombre de détections variera en fonction de l'énergie des rayons gamma émis par les radionucléides. Si l'estimation du débit de dose est basée sur le nombre de détections, cela faussera alors le nombre de µSv/h affichés par l'appareil quand les énergies émises sont différentes de celles pour lesquelles le compteur a été calibré (le plus souvent le Cesium 137 à 662 keV).

D'une façon générale Les tubes Geiger-Müller ont une sensibilité bien plus importante dans les basses énergies (inférieures à 100 keV). Cela est bien visible sur la courbe de réponse du tube LND712 qui équipe le Monitor 200 de chez SEintl (j'ai choisi cette courbe car je n'ai pas celle du J306) :

Courbe de réponse typique d'un compteur geiger

L'axe horizontal représente les énergies des photon gamma en keV. L'axe vertical représente le taux de comptage relatif, c'est à dire le nombre de détections. On voit que dans la zone verte, de 200 keV à 1500 keV environ, la courbe est relativement plate. Cela signifie que le nombre de détections varie très peu en fonction de l'énergie. Par contre dans la zone rouge, de 40 keV à 200 keV, la courbe forme un pic qui culmine vers 60 keV. Pour cette énergie, à fluence égale, le nombre de détections pourra être 7 fois supérieur à celui observé pour une énergie de 600 keV. En conséquence les débits de dose affichés par un appareil pourront être surestimés d'un facteur allant jusque à 7 dans les basses énergies.

Les concepteurs du Rium ont réglé ce problème en dotant leur détecteur d'un dispositif de compensation en énergie. Concrètement il s'agit d'habiller le tube avec un matériau qui va bloquer une partie des rayons de basse énergie, de façon à obtenir une courbe de réponse la plus plate possible sur l'ensemble du spectre. Ce que l'on perd en sensibilité, on le gagne en précision des débits de dose. Dans le RiumGM c'est une fine feuille de plomb qui joue ce rôle. La calibration, si j'en crois les données affichées par mes autres détecteurs professionnels compensés en énergie (Rotem RAM GENE-1 et Polimaster PM1621) est correcte quoique un peu haute avec l'application RiumGM. Les meilleures mesures sont obtenues avec des mesures longues, de l'ordre de la minute.

L'application RiumGM est très simple à utiliser puisque elle se borne à afficher le taux de comptage en CPS (coups par seconde) et le débit de dose en µSv/h. J'aimerais personnellement que des CPM (coups par minute) soit utilisés au lieu des CPS car à bas débit on a souvent un nombre de CPS oscillant entre 0 et 1, ce qui est peu précis.

L'application OpenRadiation offre davantage de possibilités, dont celle de partager des relevés de débit de dose et de cartographier les débits de dose d'un site. Super intéressant quand ont souhaite explorer un site contaminé ou un lieu ayant une activité radiologique. Exemple pour mon quartier (non contaminé) :

Exemple de cartographie du débit de dose d'un quartier de Marcq en Baroeul

Il faut toutefois compter 1 min 30 à 2 min de mesure par relevé, l'application OpenRadiation considérant qu'une mesure est statistiquement fiable à partir de 50 particules détectées.

La calibration est meilleure avec l'application OpenRadiation qu'avec l'application RiumGM dans sa version 1.0.1, avec des valeurs qui sont quasi identiques à celles affichées par mes appareils professionnels. Cela est dû à des facteurs de calibration différents dans les deux applications. La prochaine version de l'application RiumGM devrait régler ce problème, puisque le facteur utilisé sera le même que celui de l'appli OpenRadiation.

Au final, mon impression est que le RiumGM est un appareil de détection très intéressant pour se livrer à des études de sites et à des recherches de contamination. Il devrait se révéler encore plus intéressant lorsque la fonctionnalité d'utilisation comme balise permanente reliée à un PC sera implémentée. Icohup m'a confirmé que ce mode balise figurait bien dans la feuille de route des développements, même si la date de disponibilité n'est pas encore fixée. En tant que simple détecteur, l'appareil fonctionne bien, et c'est à ma connaissance le détecteur compensé en énergie le moins cher du marché. Mais il faut accepter le fait que celui-ci ne soit pas autonome car dépendant d'un appareil sous Android.

Cartes "bio énergie" radioactives

La récente affaire des cartes magiques radioactives en Thailande m'a rappelé que je possédais depuis plusieurs années une de ces cartes. J'avais fait une vidéo à l'époque, sans pouvoir faire une spectrométrie gamma (même si je savais que ces cartes contenaient du thorium).

Carte "bio energy" radioactive

Ces cartes utilisant souvent les termes "bio énergie" (bio energy), "énergie scalaire" (scalar energy) ou "infrarouges lointains" (far infrared) sont censées protéger leur porteur et guérir de tout et n'importe quoi grâce aux ions négatifs et à l'énergie qu'elles émettent. La mienne par exemple est censée améliorer la circulation sanguine, réguler le métabolisme, promouvoir les processus naturels de guérison et protéger des radiations. Elle permettrait également de réduire la fatigue, de supprimer les odeurs corporelles, de lutter contre les douleurs, d'adoucir les cigarettes, d'améliorer la qualité du sommeil, et d'assainir l'air de l'habitacle des voitures. Rien que ça ! Si j'ai de gros doutes sur toutes ces propriétés je n'ai plus de doutes sur le fait que ces cartes émettent bien de l’énergie, sous formes de rayons alpha, beta et gamma. Pour le dire simplement, elles sont bien radioactive :) Mon compteur geiger affiche ainsi à leur contact 600 CPM environ quand le bruit de fond naturel est de 26 CPM.

La spectrométrie gamma montre clairement que la carte contient du thorium puisque on y trouve les produits de sa filiation. On y trouve ainsi le pic de Pb212 à 239 keV, et les pics d'Ac228 à 338, 911, 969 et 1588 et 1631 keV :

spectrométrie gamma d'une carte "bio energy" montrant la présence de thorium

Ces cartes ainsi que plein d'objets du même genre tels que des pendentifs, des sous-verres, des baguettes à faire tremper dans l'eau de boisson sont très facilement trouvables sur Ebay ou sur des sites asiatiques. Il n'est évidemment jamais fait mention de leur caractère radioactif...

Contamination radioactive : convertir des becquerels en sieverts grâce aux DPUI

Plus ou moins régulièrement, il est fait mention dans l'actualité de contaminations radioactives dans l'air, dans l'eau ou ailleurs dans l'environnement. Le plus souvent les autorités et instituts de surveillance ont un discours rassurant, tandis que les ONG anti-nucléaires crient au scandale et à la mise en danger des populations. Difficile pour le citoyen de faire la part des choses entre ces deux discours : des becquerels, ça ne veut pas dire grand chose en terme de danger. Aussi je vous propose de vous faire vous-même votre idée dans la dangerosité d'une contamination en convertissant les becquerels en dose, en utilisant la notion de dose par unité incorporée (DPUI).

La DPUI d'un radioélément est la dose vie entière, exprimée en sieverts, qui résulte de l'incorporation d'un becquerel de ce radioélément, l'incorporation se faisant par inhalation ou par ingestion. Il peut exister plusieurs DPUI pour un même radioélément selon sa forme physico-chimique.

Les DPUI peuvent être trouvées dans des ouvrages spécialisés comme le Guide pratique radionucléides et radioprotection, mais les plus courantes sont accessibles gratuitement en ligne, notamment sur le site de l'IRSN. Pour calculer une dose, il suffit de multiplier la DPUI par le nombre de becquerels ingérés ou inhalés.

Prenons le tout récent exemple de la contamination de la Loire par du tritium, un isotope radioactif de l'hydrogène. Selon le communiqué de l'ACRO la concentration en tritium dans la Loire aurait atteint un maximum de 310 Bq/l. La fiche de l'IRSN sur le tritium nous dit que la DPUI du radioélément sous la forme d'eau tritiée par ingestion est de 1.8E-5 µSv/Bq. Boire un litre d'eau de la Loire contaminée aboutirait donc à 310*1.8E-5 µSv soit une dose vie entière de 0.00558 µSv ou 0.00000558 mSv. En réalité, étant donné la très courte période biologique du tritium, l'intégralité de cette dose sera délivrée en moins d'une année

La dose légale maximale admissible pour le public en plus de l'irradiation naturelle (2.4mSv/an) et médicale est de 1 msV/an. Cette dose légale est elle-même cent fois inférieure à la dose de 100 msV qui est la plus basse dose pour laquelle on a pu démontrer un excès de cancers. Pour atteindre la dose légale de 1 mSv il faudrait boire 179211 litres d'eau de la Loire contaminée au tritium, soit 491 litres par jour, ce qui est biologiquement impossible. Il n'y a donc en l'espèce pas de danger réel avec cette contamination, même si celle-ci reste une anomalie et doit être étudiée.

Test du détecteur de radioactivité Rium

Conçu par la société Icohup et fabriqué en France, le Rium est un boitier connecté permettant de détecter la radioactivité d'un milieu ou d'un objet, et de caractériser les énergies émises. Il ne s'agit pas d'un compteur geiger, mais d'un appareil de spectrométrie gamma portable, qui permet à la fois d'estimer un débit de dose et d'obtenir un spectre gamma pour identifier le radioélément à qui l'on a affaire. A la différence des compteurs geiger, le Rium ne détecte ni les rayons beta ni les rayons alpha. Le Rium utilise comme détecteur un cristal d'iodure de césium (CsI) d'un volume de 1.8 cm³ (6*6*50 mm). C'est un peu plus que celui le détecteur Armadillo que j'avais présenté il y a quelques années et qui était alors le spectromètre gamma le moins cher du marché (160 euros environ à l'époque).

Détecteur de radioactivité Rium

Physiquement, le Rium se présente comme un boitier en bois très léger d'une taille de 15*7*3 cm. Le seul contrôle présent sur l'appareil est le bouton marche/arrêt. Une diode signalant l'état du détecteur et une prise USB pour charger la batterie du détecteur sont également présents. L'exploitation du détecteur se fait exclusivement via l'application Rium, disponible sous Android ou sous iOS (voir la démonstration vidéo). Le Rium n'est donc utilisable qu'avec un smartphone ou une tablette (pour l'instant en tout cas car un mode USB utilisable avec un PC devrait voir le jour dans le futur) . L'application propose quatre vues. La première affiche le taux de comptage exprimé en coups par seconde (CPS) ainsi qu'une estimation du débit de dose :

mesure rium

La deuxième affiche une carte de l'endroit où l'on se trouve et permettra à terme de visualiser des mesures géolocalisées. La fonctionnalité de cartographie est prévue pour 2020. Mais il est d'ores et déjà possible de partager des mesures ponctuelles sur le site Riumnetwork.com. La troisième vue affiche le spectre gamma depuis le début de la mesure. La plage d'énergie et la largeur des canaux sont paramétrables. Il est également possible d'exporter les spectres sous forme de captures d'écran ou de fichiers CSV pour une exploitation dans un autre logiciel. La quatrième vue enfin affiche des graphes permettant de visualiser l'évolution des CPS dans le temps, la fenêtre temporelle étant paramétrable.

graphe Rium

A la différence de la plupart des spectromètres gamma, il n'est pas nécessaire de procéder au calibrage de l'appareil, celui-ci étant fait une fois pour toute en usine.

Qu'en est-il des performances ?

En ce qui concerne la détection et l'estimation des débits de dose, le cristal d'iodure de césium s'avère bien plus sensible qu'un compteur geiger. Dans mon bureau le bruit de fond du Rium tourne autour de 15 CPS quand celui de mon compteur GMC-300 tourne autour de 0.45 CPS. Le Rium est capable de détecter une source radioactive à une plus grande distance que mon compteur geiger GMC-300. Ce n'est toutefois pas le meilleur outil pour la prospection d'objets ou de minéraux radioactifs, car il y a un léger temps de latence entre la mesure et l'affichage dans l'application, et surtout aucune indication sonore du niveau de radioactivité n'est présent dans la version actuelle de l'application. Proposée dans les versions précédentes de l'application, celle-ci devrait revenir lors d'une prochaine mise à jour, avec la possibilité de paramétrer deux tonalités différentes en fonction des niveaux de radioactivité . Pour ce qui est du temps de latence, celui-ci peut réduit significativement en utilisant le mode "comptage" (l'affichage du débit de dose et du spectre sont alors désactivés).

Pour ce qui est du débit de dose, quand mes compteurs geiger Polimaster PM1621 et Rotem RAM GENE-1, tous deux compensés en énergie donc très précis, donnent des débits de 0.10 à 0.14 µSv/h pour le bruit de fond naturel, le Rium affiche un débit moyen de 0.18 µSv/h, légèrement au dessus donc. Mais le Rium est calibré pour donné des mesures d'ambience (doses H*10) et non pas pour faire de la dosimétrie personnel (doses Hp(10)). Cela est donc normal. Mon compteur Terra-P lui aussi calibré en H*10 affiche un débit similaire, oscillant entre 0.17 et 0.20 µSv/h.

Concernant la fonctionnalité de spectrométrie gamma, pour certains radioéléments, force est de constater que la sensibilité est décevante, et que les spectres manquent de résolution comparé à mon détecteur Armadillo qui pourtant est équipé d'un cristal plus petit. Cela vient probablement du fait que les deux types de détecteurs fonctionnent différemment : les détecteurs à carte son type Armadillo fonctionnent avec des logiciels PC tels que PRA, Beqmoni ou Theremino MCA qui filtrent les impulsions en supprimant celles qui ont une forme anormale. Ce que l'on perd en nombre d'impulsions, on le gagne en terme de qualité du spectre. Le Rium lui ne procède pas à un tel filtrage. L'appareil est donc plus sensible au bruit électronique et aux impulsions mal formées. En conséquence, les spectres sont moins bien définis, et à temps de comptage égal, certains pics significatifs qui auraient été visibles avec PRA, Beqmoni ou Theremino MCA avec un cristal de taille similaire ne sont pas visibles dans l'application Rium. Les choses s'améliorent un peu quand on active les fonctions "spectrométrie <500 keV" et "spectrométrie >200 keV" en fonction des zones d'intérêt, mais il s'agit d'une rustine à mon sens car un bon nombre d’éléments radioactifs courants comme l'uranium ou le thorium émettent de part et d'autre de ces limites.

Quelques exemples de spectres

Spectre d'1h10 de trois manchons de lanterne au thorium : rien ne permet de caractériser la présence de thorium. Les pics de Pb212 (239 keV) , Ac228 (911 et 969 keV), Ti208 (511 et 583 keV) sont à peine visibles :

spectre thorium Rium

Spectre de 8 minutes de deux tubes CK1097 contenant du césium 137. Cette fois-ci le Cs137 est bien visible, mais il faut dire que le Cs137 a un spectre très simple : un pic à 32 keV, un pic à 662 keV dans une région où le bruit de fond est naturellement faible :

spectre Cs137 Rium

Spectre de 26 minutes d'une jauge d'aviation au radium. Le pic du Bi214 à 609 keV est bien visible, ainsi que les pics de Pb214 à 325 et 295 keV :

spectre Ra226 Rium

Spectre de 5 minutes de trois pastilles d'americium 241 issues de détecteurs de fumée à ionisation. Sans surprise le pic de 59 keV est bien présent :

spectre Am241 Rium

Conclusion

Parmi les irritants, j'ai noté une tendance de l'application à planter sur ma tablette (Samsung Galaxy Tab S2), ce qui est embêtant pour les mesures longues. Cela dit la stabilité va en s'améliorant à chaque mise à jour de l'application et les plantage sont devenus rares. Il est de plus possible que ma tablette soit plus sujette aux bugs que d'autres appareils.

Quels sont au final les scénarios d'utilisation du Rium ? Pour de la simple détection, en l'état actuel un compteur geiger classique fera aussi bien, voir mieux grâce à l'indication sonore des détections. Cela pourrait changer avec les évolutions de l'application, puisque le retour des indications sonores est prévu. Pour la mesure d'ambiance, s'il est raisonnablement précis, le Rium n'apporte pas grand chose de plus qu'un compteur geiger grand public. Pour ce qui est de la spectrométrie gamma, à 399 euros, le Rium est actuellement le détecteur le moins cher du marché, et il ne nécessite aucune calibration. Un très bon point quand on ne possède pas de sources, ou quand on n'a pas les compétences ou la volonté pour étalonner un détecteur. Il est de plus portable. La personne souhaitant expérimenter de façon plus avancée à la maison sera cependant vite limitée par les possibilités de l'appareil et gagnera à opter directement pour un modèle offrant plus d'options et des cristaux de plus grandes dimensions, tels que ceux proposés par RH Electronics (à partir de 580 euros) . Le Rium se destine à mon sens davantage aux citoyens qui ne souhaitent pas spécialement expérimenter mais veulent tout de même posséder un appareil capable d'estimer une ambiance radiologique et d'identifier les radioéléments détectés. Une fois la fonctionnalité d'identification automatique implémentée, ce qui est prévu pour fin 2019, le Rium devrait répondre à leurs attentes. Un mode balise devrait également voir le jour dans une version future, avec une connectivité USB. Une fois ce mode disponible, le Rium intéressera aussi ceux qui souhaitent disposer d'un système de surveillance continue de la radioactivité.

Je remercie la société Icohup pour le long prêt de l'appareil ayant servi à écrire cette revue, ainsi que pour les nombreux échange que nous avons eu.

Glaciers radioactifs

Nouveau délire des journaux en mal de sensations : du fait du réchauffement climatique, les glaciers en fondant pourraient libérer de la radioactivité issue des essais nucléaires et des accidents de Chernobyl et Fukushima. Les glaciers contiendraient également de l'americium 241, un descendant du plutonium. Il est vrai qu'une étude a révélé des taux de cesium 137 et d'americium 241 plus élevés que la normale dans les sédiments (cryoconite) de certains glaciers. Pour autant cela représente-t-il un danger ?

Prenons l'hypothèse que j'ingère un kilogramme de cryoconite contaminée (hypothèse volontairement farfelue et majorante du risque). La plus forte contamination en Cs137, relevée sur un glacier suisse, était de 13558 Bq/kg. La dose par unité incorporée (DPUI) du cesium 137 est selon l'IRSN de 1.3E-2 µSv/Bq (PDF). L'ingestion d'un kilo de cette cryconite suisse aboutirait à une dose vie entière (dose sur 50 ans) de 13558*1.3E-2 microsieverts soit 176.254 µSv ou 0.176254 mSv. Or chaque année un français est exposé à environ 2.4 mSv du seul fait de la radioactivité naturelle. La dose vie entière entrainée par l'ingestion d'un kilo de sédiments contaminés représenteraient ainsi un peu moins de 0.15% de la dose reçue pendant la même période du seul fait de la radioactivité naturelle. Ce n'est rien du tout.

Qu'en est-il de l'americium 241 ? La plus haute valeur relevée, toujours sur le glacier suisse, est de 120 Bq/kg. La DPUI de l'Am241 est de 0.2 µSv/Bq (PDF). Ingérer un kilo de cryoconite aboutirait donc à une dose vie entière de 120*0.2 soit 24 µSv ou 0.024 mSv, une dose encore plus faible que celle liée au Cs137.

Pour résumer : si l'étude à l'origine de ces articles montre bien une contamination, il n'y a de mon point de vue pas de raison de crier au loup. L'auteur de l'étude, Caroline Clason, a d'ailleurs demandé au Daily Mail et aux autres journaux sur Twitter de ne pas déformer ses propos.

Pics de rétrodiffusion et diffusion Compton en spectrométrie gamma

Dans le précédent billet, je vous parlais des "faux" pics tels que les pics-somme. Intéressons-nous aujourd'hui à d'autres caractéristiques des spectres gamma que la diffusion Compton et les pics de rétrodiffusion. La façon la plus évidente de mettre en évidences ces particularités et de partir du spectre d'un radioélément émettant un nombre limité de raies gamma. Le Cesium 137 est parfait pour ça puisqu'il n'émet que deux raies : l'une à 32 keV, l'autre à 662 keV.

Spectre Cs137 : front Compton et pic de rétrodiffusion

Que voyons-nous sur ce spectre ? Le pic à 662 keV, caractéristique, saute aux yeux. Le pic à 32 keV est plus discret mais bien présent. On observe aussi un pic d'absorption à 80 keV correspondant à la fluorescence X du château en plomb entourant la source et le détecteur.

Un autre pic se démarque nettement vers 196 keV. Pourtant le Cs137 n'émet pas dans cette énergie, et nous n'avons pas affaire non plus à un pic-somme. Ce pic est en fait un pic de rétrodiffusion.

Dans un monde idéal, tous les photons gamma de la source arriveraient dans le détecteur sans aucune interaction préalable et seraient absorbés entièrement par le scintillateur. Mais ce n'est pas le cas.

Une partie des photons entre en collision en dehors du détecteur avec des électrons faiblement liés à leur atome . Ces électrons sont éjectés, et le photon diffusé repart avec une énergie moindre (puisque une partie de son énergie initiale a été transmise à l'électron éjecté). Ces photons diffusés sont ensuite absorbés par le détecteur et forment un continuum dans le spectre allant de l'énergie initiale du photon avant diffusion (ici 662 keV) jusqu'à l'énergie après diffusion à 180° (aussi appelée rétrodiffusion). La rétrodiffusion ayant une probabilité supérieure aux autres diffusions il apparaît dans le spectre un pic de rétrodiffusion.

Une autre partie des photons entre en collision à l’intérieur même du détecteur avec des électrons faiblement liés à leur atome . Dans un certain nombre de cas, le photon diffusé quitte le détecteur, et seule l'énergie de l'électron est détectée. Cette énergie est variable et forme un continuum allant de 0 keV jusqu'au front Compton, aussi appelé discontinuité Compton.

Il est possible de calculer les énergies correspondantes au front Compton et au pic de rétrodiffusion à partir de l'énergie de départ des photons. L'énergie du front Compton est donnée par la formule E/(1+511/(2*E)) avec E étant l'énergie initiale du photon. L'énergie du pic de rétrodiffusion est donnée par la formule E/(1+(2*E/511)). Pour une énergie initiale de 662 keV, ces formules nous donnent 478 keV environ pour le front Compton, et 184 keV pour le pic de rétrodiffusion. Le spectre mesuré donne des valeurs très proches de ces valeurs théoriques, avec un pic de rétrodiffusion à 195 keV et un front Compton vers 475 keV (si on prend le milieu de la "falaise").

Pics-somme en spectrométrie gamma

An matière de spectrométrie gamma, il faut parfois se méfier des pics que l'on voit apparaître dans un spectre : tous ne sont pas forcément des pics d'absorption totale, c'est-à-dire des pics indiquant la présence d'un radioélément. Un exemple de "faux" pic est le pic-somme : une sonde gamma transforme les flashes émis par les rayons gamma traversant le cristal en impulsions, dont l'intensité est proportionnelle à leur énergie. Un problème se pose quand les flashes sont simultanés ou trop proches dans le temps : dans ce cas, ces flashes peuvent être vus comme un seul, dont l'intensité correspond à la somme des intensités des flashes individuels. Sur le spectre, cela se traduit par l'apparition de pics-somme dont l'énergie correspondant à l'addition des énergies des pics d'absorption de forte intensité. Cela est clairement visible sur ce spectre de trois pastilles d'americium 241 (Am241), d'une activité totale d'environ 2.7 µCi, fait au contact :

Pic-somme sur spectre gamma Am241

L'Am241 émet des rayons gamma de 26.34 keV (intensité 2.4%) et 59.54 keV (intensité 35.8%). On voit nettement sur le spectre le pic d'absorption de 59.54 keV. Le pic d'absorption de 26.34 keV est beaucoup moins visible, même si on le devine. On voit par contre un gros pic vers 120 keV. Ce pic n'est pas un pic d'absorption, qui serait caractéristique d'un radionucléide mais un pic-somme : il correspond à toutes les fois où deux rayons gamma de 59.54 keV ont été détectés simultanément ou quasi-simultanément, et donc comptés comme un seul rayon gamma de 2*59.54 keV soit 118 keV environ. On note également sur le spectre une bosse semblant correspondre à un pic-somme de 3*59.54 keV soit 177 keV mais je n'en suis pas certain.

Les pics-somme peuvent être diminués en réduisant l'activité de l'échantillon, ce qui statistiquement réduit les probabilités de détections simultanées. On peut aussi augmenter la distance entre l'échantillon et le détecteur, ce qui diminuera aussi les probabilités de détections simultanées. Cela aura également pour bénéfice d'augmenter la résolution (au détriment de l'efficience) :

Spectre Am241 sans pic-somme

Cette capture d'écran montre le spectre d'une seule pastille d'Am241 (0.9µCi) avec une distance entre la source et le détecteur d'environ 5cm. On constate qu'il n'y a pas de pic-somme, et que le pic à 26.34 keV est bien plus visible qu'avant.

Echantillon de sol uranifère (Ronneburg, Allemagne)

J'ai pu acquérir via Ebay un échantillon de sol de 10 grammes prélevé dans une prairie entre les villages de Gauern et Wolfersdorf (lien Google Maps), dans une ancienne zone minière d'extraction de l'uranium. A l'époque de la RDA, cette zone était la plus grande zone d'extraction d'uranium d'Europe, et était utilisée par les soviétiques d'abord pour la construction de bombes atomiques, puis ensuite pour le nucléaire civil. D'après le vendeur il y a deux points chauds dans cette prairie qui correspondent à des point de carottage de prospection. Pour en savoir plus sur la zone je vous conseille cet excellent PDF, riche en photos en en informations (hélas en allemand).

Echantillon sol Ronneburg

Avec un compteur geiger de type pancake (LND 7317) l'échantillon affiche environ 40 CPS (coups par seconde) au contact. Afin de vérifier qu'il s'agit bien d'uranium j'ai procédé à une spectrométrie gamma dont voici le spectre :

Spectre gamma d'un échantillon de sol riche en uranium de la région de Ronneburg

On retrouve bien les pics caractéristiques des descendant de l'uranium : le radium 226, le plomb 214, le bismuth 214. Les pics sont bien mieux définis que dans mes précédents spectres car je me suis récemment équipé d'une nouvelle sonde gamma bien plus sensible, équipée d'un cristal NaI de 25mm*25mm et d'un tube photomultiplieur Hamamatsu R6095, conçue et assemblée par Alexey de RH Electronics.

Analyse d'un échantillon de Pechblende

Un confrère radio-curieux m'a gentiment fait parvenir un échantillon de pechblende du Valais (Suisse). La pechblende est un minerai riche en uranium. Ce minéral tient une place particulière dans l'histoire de la radioactivité, puisque c'est de cette roche que Pierre et Marie Curie ont extrait le radium (PDF), qui est un produit de la désintégration de l'uranium. Leur source d'approvisionnement était à l'époque la mine de Saint-Joachimsthal située dans l"actuelle république tchèque.

Pechblende du Valais, Suisse

L'activité de mon échantillon, d'un poids de 4.4 grammes est plutôt élevée et fait crépiter mon compteur geiger : 8650 CPM ! (quand le bruit de fond naturel est de 26 CPM). Phénomène intéressant : une mousse plastique entourait l'échantillon dans son contenant en verre. Cette mousse était radioactive : vraisemblablement parce qu'elle avait attiré à elle les descendants du radon, un autre descendant de l'uranium. Cela fera un sujet d'expérience pour plus tard ;)

Spectre gamma pechblende

Que donne la spectrométrie gamma ? On y retrouve les raies d'émission typiques des minéraux uranifères et des objets à base d'uranium naturel, à savoir le pic de Radium 226 à 186 keV, les trois pics de Plomb 214 à 242, 295 et 325 keV et le Pic de Bismuth 214 à 609 keV et 1120 keV (valeurs arrondies).

Poignée de porte radioactive

La radioactivité peut décidemment se cacher là ou l'on s'y attends le moins : un contact lui aussi passioné de radioactivité m'a très aimablement fait parvenir une poigné de porte ancienne (merci à lui !). Visuellement, la poignée est d'apparence banale, constituée d'une sorte de porcelaine noire. Exposée à de la lumière UV, celle-ci ne manifeste aucune fluorescence. Le compteur geiger par contre se met à crépiter à l'approche de la poignée. Alors que le bruit de fond naturel est de 26 CPM sur mon compteur GMC-300, le nombre de CPM monte à 3900 environ au contact de la poignée.

poignee de porte radioactive uranifère

Il semblerait que la majorité de l'activité soit sous forme de rayonnement beta. D'ailleurs à 30 cm de la poignée, un dosimètre compensé en énergie (Polimaster PM1621) ne montre aucune élevation significative du débit de dose.

spectre poignee radioactive uranifère

Que dit la spéctrométrie ? L'analyse montre un pic à 185.99 keV caractéristique du radium 226. La poignée de porte contient donc très probablement un composé contenant de l'uranium, le radium étant un descendant de celui-ci. A la différence des roches uranifères et autres objets à base d'uranium naturel, les pics correspondant aux autres descendants de l'uranium (Pb214, Bi214) sont ici absents. Cela est probablement dû au fait que le composé uranifère incorporé dans la poignée a été débarassé de ces descendants et n'est pas retourné à l'équilibre séculaire depuis. Il ne m'est pas possible de déterminer la nature exacte de ce composé. Des ressources trouvées sur le web parlant de glaçure indiquent que ce pourrait être de l'oxyde d'uranium (UO2).

Analyse d'un échantillon de sol de Fukushima

J'ai récemment acquis auprès d'un autre passionné de curiosités radiologiques un échantillon de sol de la région de Fukushima (merci Johan !). Celui-ci aurait été prélevé à une vingtaine de kilomètres de la centrale accidentée. L'échantillon est léger, très léger : à peine 1 gramme de terre brune sèche. Placé au contact de mon compteur geiger GMC-300, celui-ci ne montre pas une activité extraordinaire : 40 CPM avec mon compteur GQ GMC-300 pour un bruit de fond moyen de 26 CPM. C'est peu, mais quand même significatif si on considère la faible masse de l'échantillon.

Echantillon sol Fukushima

Que montre l'analyse par spectrométrie gamma ? Dès les premières minutes, même avec un détecteur à iodure de césium d'un centimètre cube, la présence de césium 137 est évidente avec son pic caractéristique à 662 keV. Mais à la différence de mon échantillon de trinitite, qui contient lui aussi du césium 137 puisque issu d'une détonation nucléaire, l'échantillon de Fukushima semble aussi montrer une présence discrète de césium 134 vers 801 keV.

Spectre gamma sol Fukushima

Les doses relâchées de césium 137 et césium 134 lors de la catastrophe étaient similaires (source). La faible hauteur du pic de césium 134 s'explique donc probablement parce que ce radio-isotope possède une demi-vie bien plus courte (2.07 ans) que celle du césium 137 (30.15 ans). Sept années s'étant écoulées depuis la catastrophe de 2011, une bonne partie du césium 134 s'est désintégrée, alors que le césium 137 disparaît à un rythme beaucoup plus lent.

Blindage contre les rayons gamma : les épaisseurs de demi-atténuation

Les rayonnements gamma (composés de photons) sont très pénétrants. A la différence des particules alpha ou bêta, rien ne peut les arrêter complètement, car il y a toujours une probabilité qu'un photon traverse la matière sans interagir avec celle-ci. Par contre on peut stopper une partie des photons, qui sera plus ou moins importante en fonction du résultat que l'on cherche à obtenir. Les professionnels parlent d'épaisseurs de demi-attenuation. Il s'agit de l'épaisseur de matière nécessaire pour diviser par deux le nombre de photons à la sortie de celle-ci (cela marche aussi pour le débit de dose). Cette épaisseur varie avec la composition de la matière, sa densité, et selon l'énergie des photons. D'une façon générale, plus le nombre atomique (Z) du matériau est élevé, plus l'épaisseur de demi-attenuation est mince.

L'épaisseur de demi-atténuation se calcule assez facilement au moins pour les éléments purs et les matériaux courants. Il faut d'abord récupérer les coefficients d'atténuation massique (µ/p) du matériau, exprimés en cm²/g puis multiplier ceux-ci par la densité (p) du matériau pour obtenir les coefficients d'attenuation linéaires (µ), exprimés en cm^-1. L'épaisseur de demi-atténuation en centimètres est donnée par la formule 0.693*µ.

Si on souhaite obtenir l'épaisseur nécessaire pour réduire d'un facteur de x le nombre de photons, il suffit de multiplier l'épaisseur de demi-atténuation par ln(x)/ln(2).

Le moyen le plus simple de récupérer les coefficients d'atténuation massique est d'utiliser le logiciel Xmudat, mis à disposition gratuitement par l'IAEA. Ce logiciel contient les données de la plupart des matériaux d'intérêt. Il vous donnera également la densité du matériau et son numéro atomique effectif. Les données sont exportables. Une autre source de données est la base Xcom du NIST.

Histoire d'éviter des calculs répétitifs j'ai compilé les épaisseurs de demi-atténuation de divers matériaux pour des énergies entre 1 et 1950 KeV. Les voici au format PDF. L'utilisation est simple : supposons que vous ayez une collection de minéraux uranifères. Le plus gros des émissions gamma de l'uranium se situe en dessous de 600 keV. A ce niveau d'énergie 0.49 cm de plomb suffira pour bloquer la moitié des photons les plus énergiques. Les photons moins énergiques seront eux encore plus fortement atténués.

Les différents appareils de mesure de la radioactivité

Dès que l'on commence à s'intéresser au sujet de la radioactivité, le compteur geiger vient aussitôt à l'esprit. Mais quand on creuse, on s'aperçoit rapidement que plusieurs types d'appareils différents existent alors que tous semblent mesurer une seule et même chose : la radioactivité. Comment alors s'y retrouver et choisir le bon matériel ? Tentative de synthèse.

L'ictomètre, souvent appelé "compteur geiger", est un simple compteur, c'est-à-dire qu'il compte les particules qui traversent son capteur. Un vrai compteur geiger ne devrait en tout rigueur afficher que des détections exprimées en CPM (coups par minute) ou CPS (coups par seconde). Malgré tout certains compteurs affichent des résultats en Sieverts. Si le capteur n'est pas compensé en énergie, le nombre de Sieverts affiché sera en général faux, sur-estimé dans certains cas, sous-estimé dans d'autres. C'est pour ça que je recommande toujours des compteurs affichant des CPM ou CPS. Les compteurs à tube geiger-muller peuvent détecter les rayons beta et gamma et pour certains les alpha. Les compteurs à scintillation ne détectent que les gamma. L'utilisation idéale de l'ictomètre est la détection.

Le radiamètre, aussi appelé débitmètre peut utiliser un tube geiger-muller ou un autre type de capteur. A la différence du compteur simple, le radiamètre est compensé en énergie ce qui lui permet de donner une estimation à peu près fiable des débits de doses (exprimés en Sieverts par heure) et des doses (exprimées en Sieverts) peu importe le radio-élément considéré. Seuls les rayons gamma sont en général pris en compte par le radiamètre. L'utilisation idéale du débitmètre est la mesure d'ambiance, c'est-à-dire la détermination du niveau ambiant de radioactivité, mais il peut aussi être utilisé pour la détection.

Le dosimètre opérationnel peut utiliser un tube geiger-muller ou un autre type de capteur. Il est très proche du débitmètre dans son fonctionnement. Cependant il sert surtout à mesurer des doses (Sieverts), et s'avère peu intéressant pour mesurer des débits de dose, car les débits de doses minimaux affichables par ces appareils sont déjà élevés. L'utilisation idéale du dosimètre opérationnel est, comme son nom l'indique, la mesure des doses.

Le contaminamètre enfin est un compteur ou ictomètre un peu particulier, qui va compter les détections non pas dans un volume, mais sur une surface. Les résultats sont exprimés en bequerels par cm². L'utilisation idéale du contaminamètre est la détection, et le caractérisation de la contamination.

Quel appareil choisir dans une optique de préparation quand on est un particulier ? De mon point de vus les ictomètres et radiamètres sont les plus intéressants. L'ictomètre sera généralement plus sensible car capable de détecter les rayons beta et gamma. Le radiamètre sera lui plus fiable pour ce qui est d'estimer le débit de dose, mais moins sensible. S'ils peuvent être obtenus à bon prix les dosimètres opérationnels peuvent également s'avérer intéressants, pour avoir une idée de la dose accumulée.

Notez que cette présentation se veut synthétique : dans la réalité des nuances existent, certains appareils sont hybrides, et j'ai volontairement passé sous silence la détection de certains rayonnements comme les neutrons.

Bruit de fond radiologique

En l'absence même de tous rayonnements ionisants d'origine artificielle, nous baignons en permanence dans un océan de radioactivité. Celle-ci vient du sol (uranium, thorium, potassium 40, radon...) mais également de l'espace. Ce rayonnement naturel constitue le bruit de fond radiologique. Celui-ci varie significativement d'un endroit à l'autre en fonction de la composition du sous-sol, de l'environnement, et de l'altitude. Pour un endroit donné le bruit de fond varie également, étant notamment influencé par les conditions atmosphériques.

Histoire de mieux connaître mon bruit de fond local j'ai mesuré la radioactivité ambiante à l'intérieur de mon bureau minute par minute sur une durée de 8633 minutes soit 5 jours, 23 heures et 53 minutes. Mon compteur geiger enregistrant automatiquement les données, je n'ai eu qu'à le laisser tourner et à traiter ensuite les données dans Excel. La mesure a commencé le 11 juin à 18h06. Sur la durée totale de la mesure on ne constate pas de grandes évolutions du bruit de fond. Par contre on constate une grand variabilité du nombre de CPM (coups par minute) sur des périodes courtes. Le graphe suivant montre l'évolution du bruit de fond radiologique sur la durée de la mesure. Les CPM bruts sont en bleu, la moyenne flottante (période de 30 minutes) est en rouge :

Bruit de fond radiologique

Le plus petit nombre de CPM observé sur toute la période est de 8, le maximum étant de 44. La moyenne du bruit de fond est de 25 CPM, avec un écart-type de presque 5 CPM. La distribution des CPM observés affiche une belle cloche répondant à la loi de Poisson :

Mesure du bruit de fond radiologique : distribution des CPM

Au delà des aspects scientifiques, cet exercice a des applications pratiques : on voit bien sur la courbe de distribution que les CPM supérieurs à 44 sont très rares. Sachant cela, si je souhaitais programmer un niveau d'alarme sur mon compteur pour signaler une radioactivité anormale, je pourrais le fixer à 45 CPM (même s'il y aurait occasionnellement quelques faux positifs). Cette valeur est d'ailleurs conforme à celle calculable avec la méthode présentée dans un précédent billet sur les seuils de décision. Avec cette méthode, pour un bruit de fond de 25 CPM, le seuil de décision est de 39 CPM pour une certitude de 95%, et de 47 CPM pour une certitude de 99.9%. Les 45 CPM de l'alarme devraient donc donner une certitude entre 95% et 99.9%.

Radioactivité : mes recommandations de livres

Si l'on trouve quantité de ressources à propos de la radioactivité sur internet, leur recherche peut prendre du temps, et la qualité de l'information proposée n'est pas toujours au rendez-vous. Aussi, voici une sélection de livres de qualité pour ceux voulant appréhender et approfondir le sujet.

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"La radioactivité sous surveillance et autres notions en radioprotection" est un petit ouvrage (175 pages) que je recommanderais à ceux qui ne connaissent rien ou peu sur le sujet, car il est économique, particulièrement didactique, facile à lire et assorti d'illustrations. Y sont abordés la physique des phénomènes radioactifs, les unités et grandeurs utilisées dans les activités nucléaires, les effets de la radioactivité sur le corps humain, la radioprotection, le matériel de détection, les différentes sources de radioactivité, la gestion des déchets nucléaires. C'est le livre parfait pour découvrir ce qu'est une particule alpha, un rayon gamma, un Becquerel, un Sievert, une dose efficace, avoir une idée de quand les rayonnements ionisants peuvent être dangereux, et savoir quel type d'appareil choisir pour de la détection. L'auteur, Marc Ammerich est inspecteur au CEA, et cofondateur de l'excellent forum Radioprotection Cirkus.

"De Tchernobyl en Tchernobyls" est un ouvrage conséquent (572 pages) que je conseillerais à ceux qui souhaitent approfondir leurs connaissances sur la radioactivité et sur les questions en rapport avec le nucléaire civil et militaire. Son titre et sa couverture font penser à un pamphlet antinucléaire, mais il n'en est rien, les auteurs étant plutôt nuancés et en faveur d'un nucléaire civil raisonné. L'ouvrage est extrêmement complet et chaque thème y est traité de façon approfondie. Un bon livre pour connaitre plus en profondeur les effets des rayonnements sur le corps humain, le fonctionnement d'un réacteur ou d'une arme nucléaire, les enjeux énergétiques et le rôle du nucléaire, la gestion des déchets, la prolifération... Le livre est écrit par Georges Charpak, Richard L. Garwin et Venance Journé.

"Radionucléides et Radioprotection" est un ouvrage purement technique à destination des professionnels (et des nerds comme moi) compilant les caractéristiques des différents radionucléides. Les amateurs de science y trouveront notamment les raies d'émissions gamma de chaque radionucléide, les doses par unité d'incorporation permettant de calculer les doses efficaces consécutive à une contamination interne, les périodes de chaque radioélément... Quelques notions de physique et de radioprotection sont également rappelée, ainsi que les schémas de filiation de l'uranium, du thorium et du plutonium.

Enfin, "Living with radiation : the first hundred years" est une bible en anglais de 317 pages au format A4 qui intéressera les férus de l'âge atomique et les chasseurs de minéraux et objets radioactifs. Ce catalogue recense en effet une myriade d'objets radioactifs produits depuis les 100 dernières années en donnant pour chacun le radionucléide présent, l'activité incorporée, et quand cela est possible la référence de l'objet (très utile pour trouver des tubes à vide au Cesium 137 quand on fait de la spectrométrie gamma par exemple). Le livre propose aussi une liste de minéraux naturellement radioactifs. L'ouvrage est auto-édité et imprimé à la demande. La commande se fait par Paypal auprès de l'auteur William Kolb, en utilisant l'adresse suivante : syntec@verizon.net. Le prix est de 36$ environ.

Radioactivité : quelle relation entre dose et probabilité de cancer ?

Bien qu'il fasse infiniment moins de morts que le tabac, l'alcool et l'obésité, le nucléaire fait peur. Dans l'imaginaire collectif, accident nucléaire rime forcément avec paysages de désolation et cancers garanti pour toutes les personnes ayant été exposées. Qu'en est-il réellement ? Peut-on prévoir le nombre de personnes qui subiront les effets d'une exposition à la radioactivité ? La publication 103 (PDF) de la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR) de 2007 donne quelques pistes.

Detriment radiologique ICRP

Selon la publication, le coefficient de risque pour les cancers suite à une exposition à des rayonnements à faible débit de dose est de 5.5% par Sievert pour la population générale, pour la vie entière. La publication 103 ne précise pas ce qu'est un faible débit de dose. Mais le rapport 2000 de l'UNSCEAR, sur lequel s'appuient également les radioprotectionnistes, fixe en annexe G page 79 la limite supérieure des faibles débits de dose à 6 mSv/h (il est en fait question de mGy dans le rapport, mais pour les rayons gamma, 1Gy est égal à 1Sv). Notons qu'il est ici question d'estimer le risque de survenue de cancers, et pas le nombre de décès par cancers, ni la gravité des cancers, qui est indépendante de la dose.

D'autre part, la CIPR prend bien soin de préciser que ce coefficient est destiné à servir de "base prudente pour les besoins pratiques de la protection radiologique" et "qu’il est inapproprié, pour les besoins de la santé publique, de calculer le nombre hypothétique de cas de cancers ou de maladies héréditaires qui pourraient être associés à de très faibles doses de rayonnement reçues par un grand nombre de personnes sur de très longues périodes".

En langage clair, cela signifie que le coefficient de 5.5% par Sievert est un estimateur raisonnable mais majorant du risque, et qu'il ne peut servir de base pour calculer un nombre réel de victimes quand les doses et débits de doses sont très faibles (en dessous de 10 mSV on est dans les très faibles doses). Il faut rappeler qu'en pratique, l'épidémiologie n'a jamais réussi à mettre clairement en évidence un excès de cancers pour des doses inférieures à 100mSv, et que la dose moyenne dûe au rayonnement naturel est d'environ 2.4 mSv par an, avec des centaines de milliers de personnes exposées à des doses naturelles de 10 à 20 mSv par an sans qu'on puisse montrer un excès de cancer. Cependant, par prudence, les radioprotectionnistes considèrent que le risque est malgré tout proportionnel à la dose même en dessous du seuil de 100 mSv. C'est ce que l'on appelle la relation linéaire sans seuil.

Pour ce qui est des effet héréditaires, le coefficient de risque estimé est de 0.2% par Sievert. Là encore il s'agit d'une estimation prudente pour les besoins de la radioprotection, car aucune étude scientifique n'a encore jamais mis en évidence d'effets héréditaires de la radioactivité chez l'homme (mais cela a été prouvé chez l'animal).

Comment utiliser ces coefficients de risque concrètement ? Prenons l'exemple des 116000 personnes évacuées suite à la catastrophe de Chernobyl. D'après l'OMS la dose moyenne reçue par ces personnes en plus du rayonnement naturel est estimée à 33 mSv. Le risque de cancers radio-induits vie entière estimé pour cette population serait donc de 116000*0.055*0.033 soit 210 cancers (0.18% de la population exposé). Ces 210 cancers radio-induits seraient très difficiles à mettre en évidence par l'épidémiologie, car en supposant que le taux de cancers non radio-induits soit similaire à celui observé en France (29%), on observerait pour la même population 33640 cas de cancers non liés aux radiations. Les 210 cancers radio-induits, s'ils étaient avérés, seraient masqués par les variations naturelles des cancers non radio-induits. Pour démontrer de façon sûre un excès de cancers radio-induits pour ce niveau de dose il faudrait une échantillon de plusieurs millions de personnes. Rappelons aussi qu'étant dans le domaine des très faibles doses ce calcul n'est que théorique et pas prédictif, conformément aux recommandations de l'ICRP.

Montres au radium : quelle dangerosité ?

Il y a quelques temps j'évoquais la dangerosité des montres utilisant du tritium gazeux (ou plutôt l'absence de dangerosité pour leurs porteurs). Qu'en est-il des montres avec cadrans et aiguilles au radium ? La littérature scientifique, en particulier l'étude "Radium Timepiece Dose Modeling (PDF)" menée en 2007 pour le compte de l'US Nuclear Regulatory Commision donne quelques pistes.

Montre Endura au radium

Selon cette étude, le fait de porter 16 heures par jour une montre au poignet d'une activité de 1µCi (37000 Bq) impliquerait une dose externe efficace de 61 mrem (millirem) par an, soit 610 µSv, ce qui représente à peu près la dose efficace que recevrait un individu à l'occasion de dix aller-retours Paris-New York en avion. Ce n'est pas extrême, mais pas anodin non plus. J'éviterais personnellement de porter une montre au radium au quotidien.

Concernant la réparation de montres incluant le grattage ou le ponçage de parties peintes au radium, la réparation par un professionnel d'une montre d'une activité de 1µCi entraînerait une dose effective totale de 0.21 mrem soit 2.1 µSv. Cette dose effective tient compte à la fois de l'exposition externe, et de l'inhalation et de l'ingestion de radon et de particules de radium. En considérant que l'horloger professionnel répare 10 montres au radium de 1 µCi par an et qu'il conserve un stock de 50 pièce au radium de 0.15µCi dans son atelier, son exposition annuelle est estimée par l'étude à 150 mrem par an, soit 1.5 mSv. Cette dose est supérieure de 50% à la limite légale annuelle française pour le grand public, qui est de 1 mSv.

Pour un horloger amateur procédant à la réparation de montres au radium, celui-ci étant moins rapide et possédant un local mal aéré, la dose efficace pour la réparation d'une seule montre d'une activité de 1µCi est estimée par l'étude à 0.73 mrem soit 7.3 µSv.

Ces chiffres donnent des estimations raisonnables des doses en jeu. Cela dit il faut être conscient que l'activité des montres varie grandement, de 0.002 à 4.5 µCi, la moyenne tournant autour de quelques dixième de microcurie.

Niveaux de radioactivité et dangerosité

Le Sievert, qui mesure la dangerosité biologique des rayonnements ionisants, est une unité peu intuitive. Afin de bien appréhender le danger réel (ou l'absence de danger) d'un niveau de radioactivité supérieur au bruit de fond naturel, j'ai calculé le temps d'exposition nécessaire pour atteindre différents seuils de dose en fonction du débit de dose ambiant. Voici les résultats au format PDF.

Le seuil de 1 mSv correspond à la limite légale annuelle admissible pour le grand public en France. Il ne s'agit pas d'un seuil de dangerosité, mais du seuil en dessous duquel aucune action particulière de protection n'est nécessaire. Ce n'est qu'à partir de 10 mSv qu'une mise à l'abri des populations est préconisée.

Le seuil de 20 mSv correspond à la limite légale annuelle pour les travailleurs du nucléaire. Il ne s'agit pas non plus d'un seuil de dangerosité. Mais cette population faisant l'objet d'un suivi individuel, la tolérance est plus grande.

Le seuil de 100 mSv correspond à la limite pour laquelle on a pu observer une hausse statistiquement significative du risque de cancer. Des cancers radio-induits peuvent survenir en dessous de ce seuil, mais le risque est tellement petit qu'on a jamais réussi à le mettre en évidence jusque ici.

Le seuil de 500 mSv correspond à la limité à partir de laquelle on commence à observer des effets déterministes immédiats, comme une modification temporaire de la formule sanguine.

Le seuil de 5 Sv (5000 mSv) correspond lui à la DL50, c'est-à-dire la dose pour laquelle on observera le décès de la moitié des personnes irradiées.

Tous ces seuils sont valable uniquement pour des expositions externes et aiguës, c'est à dire reçues sur une courte période : de quelques fractions de secondes à quelques mois, éventuellement une année, mais pas plus car pour une même dose le risque décroit avec le temps d'exposition. 100 mSv reçus en une fois sont bien plus dangereux que 100 mSv reçus de façon étalée sur plusieurs années. Pour rappel chaque français reçoit en moyenne 4.5 mSv par an toutes sources confondues.

Une autre précision à apporter, spécialement pour les très faibles débits de dose, est que ces seuils excluent la radioactivité naturelle et celle consécutives aux irradiations médicales.

Enfin, ces chiffres ne sont valables que pour des débits de dose corps entier. La dose affichée par un compteur geiger ou un dosimètre au contact d'un objet de petites dimensions surestime grandement la dose corps entier. Si on souhaite avoir une meilleure idée de débit de dose d'un tel objet, il est conseillé de procéder à une mesure à 30 cm de distance. Le débit de dose affiché sera alors plus proche de la réalité (en supposant que le compteur soit étalonné pour le radioélement mesuré ou qu'il soit compensé en énergie).

Comment utiliser ce tableau ? Supposons que vous vous rendiez en Ukraine à 300m du reacteur de accidenté de Chernobyl et que vous mesuriez un débit de dose de 4 µSv/h. Pour atteindre le maximum légal français admissible pour le grand public, il faudrait que vous restiez sur place sans bouger 10 jours et 10 heures. Pour atteindre les 20 mSv autorisés pour les travailleurs du nucléaire il faudrait rester au même endroit 208 jours et 8 heures, soit pas loin de 7 mois ! Et nous sommes là encore en dessous du seuil pour lequel on n'a à ce jour pas réussi à prouver un excès de risque (même si le principe de précaution implique de considérer que le risque suit une loi de relation linéaire sans seuil). Ce tableau permet donc de mettre les choses en perspective.

Conseils pour visiter Chernobyl et Pripyat en tout sécurité

Même si la zone d'exclusion de Chernobyl est ouverte au tourisme, le lieu n'est quand même pas un endroit anodin. Aussi voici quelques conseils personnels pour profiter au mieux de cette visite sans se mettre en danger :)

Respectez à la lettre les conseils donnés par votre guide. Vous êtes dans une zone d'exclusion, pas à Disneyland.

N'apportez ni alcool, ni drogues, ni armes (ça semble l'évidence mais bon...) Il y a des checkpoints et les bagages peuvent être fouillés. Personnellement je préconise de ne même pas prendre de couteau juste pour être tranquille.

Il est obligatoire de porter des vêtements couvrant intégralement les bras et les jambes, ainsi que des chaussures fermées. Portez des vêtements adaptés aux conditions climatiques du moment. Etant donné que vous allez visiter des bâtiments en ruine, des sites industriels et des forêts, je recommande de porter des chaussures de randonnée légères. Il n'est pas nécessaire de jeter ses vêtements après la visite, une simple lavage suffira si on se contente de visiter les lieux autorisés. De toute façon un contrôle radiologique en sortie de zone est effectué.

Une protection respiratoire n'est pas nécessaire tant qu'on ne s'aventure pas dans certains endroits spécialement contaminés comme les sous-sols de l'hôpital de Pripyat et la morgue, qui ont accueilli les pompiers gravement irradiés de la centrale. Les accès à ces endroits sont normalement fermés, mais dans le doute n'allez pas dans ces endroits, pour votre sécurité et par respect pour les gens qui y ont souffert et parfois laissé leur vie. Si vous souhaitez porter un masque, optez pour le niveau de protection FFP3.

Ne prenez surtout pas d'iode stable comme j'ai pu le voir conseillé sur un site de voyage : la demi-vie de l'iode 131 (radioactif) étant de 8 jours, cela fait très longtemps que ce radioélement ne constitue plus un problème dans la zone.

Equipez-vous d'une lampe puissante et de piles de rechange, car vous allez visiter plein d'endroits sombres. La lampe vous apportera plus de sécurité, tout en vous permettant de faire de meilleures photos. Je recommande des modèles de 150 lumens ou plus.

Si possible, équipez-vous d'un compteur geiger, ou assurez-vous que vous pourrez en louer un durant votre visite. Cela fait partie du charme de la visite et permet de repérer les points chauds. Pas besoin de modèles sophistiqués, un Terra-P par exemple ira très bien. Pour bien comprendre les valeurs qu'affiche votre appareil renseignez-vous sur les échelles de doses. Noter quelques débits de dose typique dans un carnet est très utile pour faire des comparaisons. Pour rappel, 1 millisievert (mSv) est égal à 1000 microsieverts (µSv).

Faites attention où vous marchez : il y a des trous, des planchers parfois très abîmés, des morceaux de verre et des débris coupant, des sols glissants...

Equipez-vous d'une trousse de bobologie minimale avec quelques pansements, une ou deux compresses, une ou deux unidose de sérum physiologique, du paracetamol et un anti-diarrhée juste au cas où. Elle ne servira probablement à rien, mais se révélera très précieuse dans les rares cas où vous pourriez en avoir besoin.

Il est interdit de manger et boire à l'air libre dans la zone. Il est également interdit d'y fumer sauf dans les zones autorisées. Consommez uniquement de l'eau en bouteille. Ce conseil est valable pour toute l'Ukraine, surtout à cause des polluants biologiques et chimiques : il serait bête d'attraper une tourista dans une zone où les premiers toilettes décents sont à plusieurs kilomètres. Prenez de l'eau avec vous, car il n'y pas beaucoup d'épiceries dans la zone. La nourriture n'est pas nécessaire car des repas sont prévus à la cantine de Chernobyl ou à l'hôtel. Prenez éventuellement quelques barres énergétiques, mais ne les mangez que dans le bus et que si vous avez la certitude que vos mains sont propres.

Efforcez-vous de ne toucher à rien pour limiter au maximum les risques de contamination, sauf si cela est nécessaire, comme poser sa main sur une rembarde d'escalier par sécurité (même si la probabilité d'une contamination dangereuse est extrêmement faible quand on reste dans les endroits autorisés). Personnellement je suis partisan de s'équiper de lingettes nettoyantes qui permettront un premier nettoyage en cas de mains sales. Éventuellement, emportez une paire de gants de protection type jardinage dans votre sac, des fois que vous jugiez utile de protéger vos mains lors d'une visite de bâtiment.

Ne vous asseyez nulle part ailleurs que dans votre mini-bus ou dans Chernobyl City. Ne posez pas vos affaires au sol, toujours pour éviter les risques de contamination.

Lavez-vous les mains soigneusement à l'eau et au savon avant de manger. C'est probablement le conseil le plus important de cette liste.

Ne soyez pas effrayé des champignons servis à la cantine, aucune nourriture servie dans la zone n'est locale :) De façon plus générale, ne soyez pas obsédé par les rayonnements, les parcours des visites sont conçus de façon à ce que la dose totale soit très faible. Vous prendrez plus de radiations en altitude lors de votre voyage en avion vers Kiev.

Soyez respectueux des lieux et des personnes qui y ont vécu. Ne bougez pas les objets pour faire de meilleures photos, il y a déjà bien trop de mises en scènes. Ne subtilisez aucun objet, c'est interdit, irrespectueux et potentiellement dangereux.

Ne soyez pas radin. La vie n'est pas facile en Ukraine. Si vous avez été satisfait de votre visite, donner un pourboire équivalent à 10, 15, ou 20 euros au guide qui vous a fourni des informations, facilité la vie et a veillé à votre sécurité pendant toute l'excursion ne va pas grever votre budget.

Profitez du lieu, soignez votre karma en donnant un peu de nourriture aux chiens de la zone et réservez également une journée au moins pour visiter Kiev, ses églises, ses monastères et ses monuments :)

Urbex radiologique : visite de la zone d'exclusion de Chernobyl

Le 26 avril 1986, le reacteur 4 de la centrale nucléaire de Chernobyl explosait, relâchant une quantité astronomique de radionucléides dans l'atmosphère. Trente ans plus tard, une zone d'exclusion de 30km entoure toujours la centrale, car la contamination y est par endroit encore très importante, et parce que nombre de véhicules et objets contaminés s'y trouvent qu'on ne souhaite pas voir disséminés. Depuis quelques années, il est possible de visiter la zone en passant par des agences agréées qui se chargeront d'obtenir pour vous les autorisations nécessaires. C'est pourquoi nous avons pu passer à la mi-novembre deux jours dans la zone d'exclusion, avec une nuit dans la ville de Chernobyl City. Merci à qui se reconnaîtra pour ce superbe cadeau ;)

Un tactical nerdà Tchernobyl

Le départ des excursions se fait en général à partir de la gare de Kiev, le voyage se faisant en mini-bus. Je tiens à saluer l'extrême disponibilité de notre guide Alexandre durant ces deux jours qui en plus de nous délivrer quantité d'informations a tout fait pour nous faciliter la vie au quotidien. Le voyage dure près de 2 heures car les routes sont plutôt rustiques. Il est intéressant de noter qu'à Kiev, qui est située à un peu moins de 100 km de Chernobyl, la radioactivité ambiante de notre chambre d'hôtel était de 0.13 µSv/h, un débit de dose inférieur à celui de notre domicile en métropole lilloise. Comme quoi vivre à 100 km du plus grave accident nucléaire de l'histoire ne rime pas forcément avec désolation.

Signe radioactif Chernobyl

La radioactivité (en tout cas celle des routes asphaltées) n'augmente que très lentement en approchant de la zone. Ce n'est qu'à 6 km du réacteur seulement que le bruit de fond commence à augmenter sensiblement (45-50 CPM) par rapport au bruit de fond observé à Kiev (27 CPM). A 3.5 km du réacteur, toujours sur la route, on observe des pointes à 330 CPM. A l'hôtel Desyatka, situé à 15 km au sud-est du réacteur 4, le bruit de fond est de seulement 27 CPM, le même que chez nous en France. C'est assez étonnant et montre à quel point la contamination est hétérogène (et aussi probablement que la décontamination a été efficace).

Débit de dose près du réacteur 4  de Chernobyl

A quoi ressemble la zone ? Au jeu vidéo Stalker, les mutants, les artefacts et les différentes factions en moins :) Le paysage est constitué de forêts, de landes, de marécages, de lacs, de rivières et de tourbières, parsemé de villages à l'abandon et d'installations industrielles rouillées. La ville de Prypiat présente un visage évidemment plus urbain, même si la nature reprend le dessus. La plupart des bâtiments ont hélas été pillés par les voleurs de métaux, mais il reste énormément de choses à voir et la visite des bâtiments est un véritable voyage dans l'époque soviétique. Marcher dans une école sur des livres disséminés fait mal au coeur, on aimerait faire de ces endroits des sanctuaires, mais vu que la zone n'est à la base pas faite pour être visitée, personne ne fait rien...

La foret rouge de Chernobyl

La nature est florissante. Nous n'avons observé en guise d'animaux sauvage que des oiseaux, une petite souris et un sanglier élevé par un local, mais la zone est connue pour abriter également des loups, des ours, des chevaux sauvages, des castors... Il est d'ailleurs fréquent de trouver des ossements dans la zone. De nombreux chiens à moitié sauvages mais pas farouches sont également présents, mendiant de la nourriture aux humains de passage.

Débit de dose à Kopachi près de Chernobyl

Coté radiations, les niveaux varient énormément d'un endroit à un autre. Beaucoup d'endroits dans la zone affichent une radioactivité comparable au bruit de fond naturel que l'on trouve en France. La radioactivité à l'intérieur des bâtiments en particulier est très faible, même dans la ville de Pripyat (sauf dans certains bâtiment "sensibles" où je conseille de ne pas mettre les pieds sans équipement spécialisé et un minimum de connaissances, comme l'hopital où ont été amenés les pompiers qui sont intervenus sur la centrale). Le débit de dose maximum que j'ai relevé a été de 4.03 µSv/h à 300 m du réacteur 4 (2540 CPM). Dans le camp des pionniers 1.20µSv/h (550 CPM). Dans le village abandonné de Kopachi, à 7 km du réacteur, 2.11 µSv/h (690 CPM). Près de la grande roue de Pripyat 0.9 µSv/h. Au total mon dosimètre DMC-90 a enregistré lors de ces 2 jours une dose cumulée de 0.005 mSv. Arrondissons cette dose à 0.006 mSv par principe de précaution. Si j'étais resté dans ma maison en France, légèrement plus radioactive que l'extérieure car construite en brique, j'aurais reçu du fait de la radioactivité naturelle durant la même période 0.004 mSv. La dose de radioactivité additionnelle reçue lors de cette excursion de deux jours à Chernobyl est donc de 0.006-0.004=0.002 mSv, ce qui est extrêmement faible. A titre de comparaison, pour atteindre le maximum légal annuel de 1 mSv pour le grand public en France, il faudrait faire 500 fois la même excursion dans l'année ce qui est impossible. Prendre l'avion de Paris à Kiev est bien plus irradiant : l'outil sievert-PN de l'IRSN prévoit une dose de 0.0138 mSv rien que pour l'aller, ce qui est 7 fois plus que la dose additionnelle de 0.002 mSv reçue en deux jours à Chernobyl !

Place aux images maintenant ! Les tours de refroidissement inachevées, derrière la centrale :

Tours de refroidissement inachevées Chernobyljpg

Tours de refroidissement inachevées Chernobyl.

Bassins de refroiddissement  Chernobyl

Le réacteur 4, le nouveau sarcophage et ses environs :

Reacteur 4 Chernobyl

Nouveau sarcophage Chernobyl

Monument devant le réacteur de Chernobyl

Vue d'ensemble centrale nucléaire de chernobyl

La ville de Chernobyl-city, ou vivent une partie des travailleurs de la zone et où sont situés les hôtels :

Panneau-monument entrée Chernobyl City

PanneauCchernobyl

Hotel Desyatka Chernobyl

Ange de l'apocalypse Chernobyl

La radar trans-horizon top-secret russe Duga-3 :

Duga-3 vue de Pripyat

Antenne Duga-3

Couloir Duga-3

Salle de contrôle Duga-3

Panneau Duga-3

Panneau Duga-3

Planisphère Duga-3

Racks informatiques Duga-3

Composants top-secret Duga-3

Antenne Duga-3

Affiche-chernobyl-2.jpg

Affiche guerre nucléaire Duga-3

Affiche guerre nucléaire Duga-3

La ville de Pripyat :

Monument Pripyat 1970

Immeuble Pripyat

Hotel Polissya Pripyat

Complexe culturel Pripyat.jpg

Grande-roue Pripyat.jpg

Signe communiste Pripyat

Centre sportif Pripyat

Panneau Pripyat

Vue de haut Pripyat

Auto tamponneuses Pripyat

La nature reprend ses droits à Pripyat

Théatre Pripyat

Terrain de sport Pripyat

Fresque Pripyat

Masques à gaz Pripyat

Divers photos de la zone d'exclusion :

Bateaux dans la zone d'exclusion de Chernobyl

Maison abandonnée Chernobyl

Interieur maison abandonnée Chernobyl

Creche abandonnée Chernobyl

Camp de pionniers Chernobyl

Os du bassin Chernobyl.jpg

Monument des liquidateurs de Chernobyl

Chien-loup de la zone d'exclusion de Chernobyl

Robots radioactifs Chernobyl

Vieille carte soviétique Chernobyl

Piano abandonné Chernobyl

Note : les valeurs de débits de doses mentionnées dans cet articles sont celles affichée par mon compteur geiger Terra-P. S'agissant d'un appareil calibré pour la mesure d'ambiance et non pour la dosimétrie personnelle, les mesures sont typiquement surévaluées de 40%. Il faut donc retirer 28.5% à la valeur affichée par l'appareil pour avoir une estimation plus correcte de la dose reçue pour le corps entier. Un affichage de 4.03 µSv/h près du réacteur 4 correspond donc plus à un débit de dose de 2.88 µSv/h.

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