Conçu par la société Icohup et fabriqué en France, le Rium est un boitier connecté permettant de détecter la radioactivité d'un milieu ou d'un objet, et de caractériser les énergies émises. Il ne s'agit pas d'un compteur geiger, mais d'un appareil de spectrométrie gamma portable, qui permet à la fois d'estimer un débit de dose et d'obtenir un spectre gamma pour identifier le radioélément à qui l'on a affaire. A la différence des compteurs geiger, le Rium ne détecte ni les rayons beta ni les rayons alpha. Le Rium utilise comme détecteur un cristal d'iodure de césium (CsI) d'un volume de 1.8 cm³ (6*6*50 mm). C'est un peu plus que celui le détecteur Armadillo que j'avais présenté il y a quelques années et qui était alors le spectromètre gamma le moins cher du marché (160 euros environ à l'époque).

Détecteur de radioactivité Rium

Physiquement, le Rium se présente comme un boitier en bois très léger d'une taille de 15*7*3 cm. Le seul contrôle présent sur l'appareil est le bouton marche/arrêt. Une diode signalant l'état du détecteur et une prise USB pour charger la batterie du détecteur sont également présents. L'exploitation du détecteur se fait exclusivement via l'application Rium, disponible sous Android ou sous iOS (voir la démonstration vidéo). Le Rium n'est donc utilisable qu'avec un smartphone ou une tablette (pour l'instant en tout cas car un mode USB utilisable avec un PC devrait voir le jour dans le futur) . L'application propose quatre vues. La première affiche le taux de comptage exprimé en coups par seconde (CPS) ainsi qu'une estimation du débit de dose :

mesure rium

La deuxième affiche une carte de l'endroit où l'on se trouve et permettra à terme de visualiser des mesures géolocalisées. La fonctionnalité de cartographie est prévue pour 2020. Mais il est d'ores et déjà possible de partager des mesures ponctuelles sur le site Riumnetwork.com. La troisième vue affiche le spectre gamma depuis le début de la mesure. La plage d'énergie et la largeur des canaux sont paramétrables. Il est également possible d'exporter les spectres sous forme de captures d'écran ou de fichiers CSV pour une exploitation dans un autre logiciel. La quatrième vue enfin affiche des graphes permettant de visualiser l'évolution des CPS dans le temps, la fenêtre temporelle étant paramétrable.

graphe Rium

A la différence de la plupart des spectromètres gamma, il n'est pas nécessaire de procéder au calibrage de l'appareil, celui-ci étant fait une fois pour toute en usine.

Qu'en est-il des performances ?

En ce qui concerne la détection et l'estimation des débits de dose, le cristal d'iodure de césium s'avère bien plus sensible qu'un compteur geiger. Dans mon bureau le bruit de fond du Rium tourne autour de 15 CPS quand celui de mon compteur GMC-300 tourne autour de 0.45 CPS. Le Rium est capable de détecter une source radioactive à une plus grande distance que mon compteur geiger GMC-300. Ce n'est toutefois pas le meilleur outil pour la prospection d'objets ou de minéraux radioactifs, car il y a un léger temps de latence entre la mesure et l'affichage dans l'application, et surtout aucune indication sonore du niveau de radioactivité n'est présent dans la version actuelle de l'application. Proposée dans les versions précédentes de l'application, celle-ci devrait revenir lors d'une prochaine mise à jour, avec la possibilité de paramétrer deux tonalités différentes en fonction des niveaux de radioactivité . Pour ce qui est du temps de latence, celui-ci peut réduit significativement en utilisant le mode "comptage" (l'affichage du débit de dose et du spectre sont alors désactivés).

Pour ce qui est du débit de dose, quand mes compteurs geiger Polimaster PM1621 et Rotem RAM GENE-1, tous deux compensés en énergie donc très précis, donnent des débits de 0.10 à 0.14 µSv/h pour le bruit de fond naturel, le Rium affiche un débit moyen de 0.18 µSv/h, légèrement au dessus donc. Mais le Rium est calibré pour donné des mesures d'ambience (doses H*10) et non pas pour faire de la dosimétrie personnel (doses Hp(10)). Cela est donc normal. Mon compteur Terra-P lui aussi calibré en H*10 affiche un débit similaire, oscillant entre 0.17 et 0.20 µSv/h.

Concernant la fonctionnalité de spectrométrie gamma, pour certains radioéléments, force est de constater que la sensibilité est décevante, et que les spectres manquent de résolution comparé à mon détecteur Armadillo qui pourtant est équipé d'un cristal plus petit. Cela vient probablement du fait que les deux types de détecteurs fonctionnent différemment : les détecteurs à carte son type Armadillo fonctionnent avec des logiciels PC tels que PRA, Beqmoni ou Theremino MCA qui filtrent les impulsions en supprimant celles qui ont une forme anormale. Ce que l'on perd en nombre d'impulsions, on le gagne en terme de qualité du spectre. Le Rium lui ne procède pas à un tel filtrage. L'appareil est donc plus sensible au bruit électronique et aux impulsions mal formées. En conséquence, les spectres sont moins bien définis, et à temps de comptage égal, certains pics significatifs qui auraient été visibles avec PRA, Beqmoni ou Theremino MCA avec un cristal de taille similaire ne sont pas visibles dans l'application Rium. Les choses s'améliorent un peu quand on active les fonctions "spectrométrie <500 keV" et "spectrométrie >200 keV" en fonction des zones d'intérêt, mais il s'agit d'une rustine à mon sens car un bon nombre d’éléments radioactifs courants comme l'uranium ou le thorium émettent de part et d'autre de ces limites.

Quelques exemples de spectres

Spectre d'1h10 de trois manchons de lanterne au thorium : rien ne permet de caractériser la présence de thorium. Les pics de Pb212 (239 keV) , Ac228 (911 et 969 keV), Ti208 (511 et 583 keV) sont à peine visibles :

spectre thorium Rium

Spectre de 8 minutes de deux tubes CK1097 contenant du césium 137. Cette fois-ci le Cs137 est bien visible, mais il faut dire que le Cs137 a un spectre très simple : un pic à 32 keV, un pic à 662 keV dans une région où le bruit de fond est naturellement faible :

spectre Cs137 Rium

Spectre de 26 minutes d'une jauge d'aviation au radium. Le pic du Bi214 à 609 keV est bien visible, ainsi que les pics de Pb214 à 325 et 295 keV :

spectre Ra226 Rium

Spectre de 5 minutes de trois pastilles d'americium 241 issues de détecteurs de fumée à ionisation. Sans surprise le pic de 59 keV est bien présent :

spectre Am241 Rium

Conclusion

Parmi les irritants, j'ai noté une tendance de l'application à planter sur ma tablette (Samsung Galaxy Tab S2), ce qui est embêtant pour les mesures longues. Cela dit la stabilité va en s'améliorant à chaque mise à jour de l'application et les plantage sont devenus rares. Il est de plus possible que ma tablette soit plus sujette aux bugs que d'autres appareils.

Quels sont au final les scénarios d'utilisation du Rium ? Pour de la simple détection, en l'état actuel un compteur geiger classique fera aussi bien, voir mieux grâce à l'indication sonore des détections. Cela pourrait changer avec les évolutions de l'application, puisque le retour des indications sonores est prévu. Pour la mesure d'ambiance, s'il est raisonnablement précis, le Rium n'apporte pas grand chose de plus qu'un compteur geiger grand public. Pour ce qui est de la spectrométrie gamma, à 399 euros, le Rium est actuellement le détecteur le moins cher du marché, et il ne nécessite aucune calibration. Un très bon point quand on ne possède pas de sources, ou quand on n'a pas les compétences ou la volonté pour étalonner un détecteur. Il est de plus portable. La personne souhaitant expérimenter de façon plus avancée à la maison sera cependant vite limitée par les possibilités de l'appareil et gagnera à opter directement pour un modèle offrant plus d'options et des cristaux de plus grandes dimensions, tels que ceux proposés par RH Electronics (à partir de 580 euros) . Le Rium se destine à mon sens davantage aux citoyens qui ne souhaitent pas spécialement expérimenter mais veulent tout de même posséder un appareil capable d'estimer une ambiance radiologique et d'identifier les radioéléments détectés. Une fois la fonctionnalité d'identification automatique implémentée, ce qui est prévu pour fin 2019, le Rium devrait répondre à leurs attentes. Un mode balise devrait également voir le jour dans une version future, avec une connectivité USB. Une fois ce mode disponible, le Rium intéressera aussi ceux qui souhaitent disposer d'un système de surveillance continue de la radioactivité.

Je remercie la société Icohup pour le long prêt de l'appareil ayant servi à écrire cette revue, ainsi que pour les nombreux échange que nous avons eu.